Vendredi 13, jour faste ou néfaste ?

Ce mois-ci, le 13 tombe un vendredi — date faste pour les uns, néfaste pour les autres !

D’où vient cette ambivalence ?

Cette date a mauvaise réputation dans la civilisation occidentale, imprégnée de judéo-christianisme, car on la fait coïncider avec la mort du Christ (selon le calendrier juif, le 13 du mois de Nisan, la veille du sabbat, donc un vendredi).

Mais cette croyance quasi universelle qu’il existe des jours favorables ou défavorables existait déjà dans l’antique Rome.

L’orateur Cicéron, prononçant un plaidoyer, rappelle aux juges que Peu de personnes connaissaient autrefois les jours où il était permis d’agir en justice ; le tableau des jours fastes n’était pas alors public (Pro Murena, XI, traduction de Maurice Nisard, Paris, 1869).

Le pète Ovide, au début du calendrier poétique qu’il compose pour commémorer les fêtes romaines, indique que Les jours n’ont pas tous un même statut juridique ; ils sont marqués par des obligations et des interdits (jours fastes et néfastes, jours d’assemblées et de marchés, jours des Calendes, Ides et Nones, jours de mauvais présage) dont il importe de tenir compte, et qui s’appliquent à l’ensemble des mois de l’année (Fastes, I, vers 45-62, traduction de Maurice Nisard, Paris, 1857).

Les jours heureux, appelés “fastes”— fasti dies — du nom latin fas (permission des dieux), par opposition avec jus (droit humain), avaient une valeur religieuse.

Fas a la même racine que fatum (le destin, qui est “dit” par les dieux) qui a donné “fatal”, “fatidique”, “fée” etc., et que fanum (le temple), d’où dérive le terme “profane”, littéralement “devant le temple”, donc non initié.

Car avant que n’existe un calendrier établi à l’avance (le calendrier julien, en 46 avant notre ère), le Pontifex maximus (grand prêtre) avait la charge d’établir le calendrier et de le proclamer publiquement pour réguler la vie des citoyens. C’est cette annonce officielle qui a donné le nom du premier jour de chaque mois romain, les calendes (calendae ou Kalendae) — du verbe calare, proclamer — d’où vient le mot “calendrier”.

Les prêtres faisaient donc savoir quels seraient “les jours fastes”, favorables à toutes les entreprises publiques (tribunaux, guerres, sacrifices religieux) et privées (négociations commerciales, mariages).

On pouvait célébrer les succès “avec faste”, “fastueusement”.

Curiosité linguistique intéressante, le terme “faste” (de fastus, l’orgueil) n’est pas le singulier des Fastes (Fasti, jours de fêtes, toujours au pluriel), mais un paronyme, qui désigne une attitude à la fois de magnificence et d’arrogance !

Évidemment, les “jours néfastes” (nefas est = il est défendu par les dieux), toute activité importante était proscrite, sous peine non seulement d’être vouée à l’échec, mais encore d’être considérée comme un sacrilège !

Quels étaient ces jours néfastes ? Sans les mentionner tous, citons particulièrement le lendemain des Ides (c’est-à-dire le 16 en mars, mai, juillet et octobre ; le 14, les autres mois). Le jour et le lendemain des Nones (5ème ou 7ème jour du mois) étaient également néfastes. D’ailleurs, le jour même des Nones se dit en latin NONIS (nom à l’ablatif) et il est homonyme de l’expression NON IS (en deux mots), qui se traduit par “tu ne vas pas”. Ce jour-là, pour un Romain, il valait mieux rester chez soi !

Les Romains marquaient le jour faste en blanc (avec de la craie) et le néfaste en noir (avec du charbon). Coutume d’où provient l’expression, encore actuelle : marquer ce jour d’une pierre blanche, pour désigner le jour d’un événement heureux et inoubliable.

Mais pour en revenir à l’ambivalence du vendredi 13, qui associe la mauvaise réputation du vendredi et du chiffre 13, il était considéré autrefois comme terrible. Un des effets de ce jour était par exemple une baisse sensible de la recette des compagnies de chemin de fer, ou d’omnibus, comme on le signalait encore, en Europe, à la veille de la première Guerre MondialeEn même temps, le chiffre 13 ayant pour certains une heureuse influence, le vendredi 13 passe parfois pour être doté d’une grande puissance magique. C’est un jour notamment où le chiffre d’affaires de la loterie augmente considérablement (Le Livre des Superstitions, coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 1765- 1766).

Pour ma part, je ne suis pas triskaidékaphobique et, comme la plupart des habitants d’Amérique du Nord, j’aime le vendredi.

Au Canada le vendredi on dit : T.G.I.F. (Thanks, God, It’s Friday, Merci mon Dieu, c’est vendredi) — annonciateur de la fin de semaine !

Et vous, aimez-vous le vendredi 13 ?

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