Méli-mélo

Méli-mélo — cette expression est savoureuse, à proprement parler : jugez-en par son étymologie, qui nous amène à parler du miel.

Elle est formée de deux mots grecs : μελι (méli) le miel et μηλον (mêlon) la pomme.

Méli-mélo, c’est donc, littéralement, une compote de pommes au miel. D’où, avec un sens abstrait, un mélange indistinct, voire confus, car, une fois la compote faite, on ne peut plus dissocier les ingrédients !

Méli, en grec, produit par Μελισσα mélissa ou mélitta, l’abeille, a donné le mot latin mel.
Et de ces termes dérivent le prénom Mélissa et beaucoup de mots français. Tels les adjectifs miellé, mielleux et mellifère, auxquels s’ajoute ce beau néologisme du poète Guillaume Apollinaire pour qualifier la lune : mellifluente (“Clair de lune” in Alcools). Il y a aussi les noms miellat (excrétion sucrée de certains insectes), mellification (fabrication du miel), mélèze (arbre qui produit une résine ressemblant au miel), mélisse (plante avec laquelle on fait “l’eau de mélisse”, un calmant), hydromel (boisson fermentée à base d’eau et de miel) etc.

De plus, l’abeille se dit apis en latin, d’où proviennent les mots apiculture, apicole, apiculteur, qui concernent l’élevage des abeilles et la production de miel. L’apiculture était une source de richesse dans le monde antique, car le produit était abondamment utilisé, pour la cuisine et la pâtisserie, la conservation de certains aliments (notamment les fruits comme les poires, pommes, coings, figues), ainsi que pour la religion (offrandes) et la médecine (on en enduisait les bords des gobelets pour faire passer l’amertume de certains remèdes ; on l’employait contre les rhumes, et parfois en emplâtre sur des plaies).

Les ruches étaient faites de matériaux périssables, comme l’indique, au Ier siècle avant notre ère, Virgile qui décrit le monde des abeilles au chant IV des Géorgiques : Ipsa autem, seu corticibus tibi suta cavatis/ seu lento fuerint alvaria vimine texta Les ruches elles-mêmes, ou formées d’écorces creuses, ou tissées d’osier souple, doivent avoir d’étroites ouvertures (traduction de Maurice Rat, 1932).

Voici un modèle de ruche tissée (à gauche) illustrant le Dictionnaire Latin-Français Gaffiot.

Mais celle qui figure ci-dessous, visible au Musée archéologique de Thessalonique (Grèce), ressemble au modèle figurant à droite. Elle a survécu car elle a été faite d’argile.

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Selon le Dictionnaire de l’Antiquité (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 639), la production de miel était relativement réduite et il coûtait cher. Celui du mont Hymette, à Athènes, était très réputé.

Le philosophe-naturaliste grec Aristote (IVè siècle avant notre ère) — dont on voit, ci-dessous, la statue à Thessalonique — a écrit sur les abeilles dans son Histoire des animaux. Par l’écrivain latin Columelle (De re rustica, IX, Ier s.), on sait combien d’espèces d’abeilles Aristote a recensées et quelle est la meilleure. De plus, les Grecs savaient que le goût du miel dépend des fleurs que les abeilles ont butinées, et qu’il est meilleur au printemps.

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Outre sa valeur économique, le miel possédait une forte valeur symbolique — et ce, dans tout le bassin méditerranéen antique — comme un faste symbole de richesse, de complétude et surtout de douceur, selon le Dictionnaire des Symboles (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 632-634). Considéré comme un don des dieux, il symbolise aussi la connaissance et la sagesse, la vie et la mort, ainsi que l’accès à l’immortalité.

La double nature du miel apparaît encore dans les expressions françaises être tout sucre, tout miel (se montrer doucereux, hypocrite) et faire son miel de (se délecter de), qui ont une résonance péjorative, car cette douceur mielleuse peut être dangereusement séduisante […] ; ainsi les paroles du flatteur ; ainsi l’attrape-mouche ou attrape-nigaud (Symboles, p. 632).

Mais, il a, même de nos jours, une tonalité positive dans l’expression lune de miel, qui, selon le Livre des Superstitions (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 1128), rappelle une ancienne coutume nordique (scandinave) : les jeunes mariés buvaient chaque jour pendant un mois un verre d’hydromel — boisson d’immortalité !

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