Quitter le Chili avec Zeus !

J’ai passé une dizaine de jours au Chili en janvier 2020. 

Comme chacun sait, le Chili est en Amérique (qu’on appelle) latine ! Belle occasion pour moi, qui aime repérer des “traces” de l’Antiquité gréco-latine partout où je vais, de photographier pendant mon séjour toutes sortes d’éléments “grecs” ou “latins”, plus ou moins inattendus, que j’ai le plaisir de présenter dans cet article. 

Pour commencer, le nom du Chili est un nom indien qui signifie “là où se termine la terre” — ce qui illustre bien la position de ce pays en Amérique du Sud. 

Carte du Chili

C’est le pays le plus long du monde, avec ses 4 620 kilomètres du Nord au Sud, et sa ligne de côte encore plus longue (6 435 km) du fait des nombreux fjords qui le bordent. Étroite bande de terre occupée à 80% par des montagnes, le Chili est séparé de l’Argentine par la Cordillère des Andes.

Il est presque plus facile de découvrir le Chili en bateau, car, hormis la capitale (Santiago), les villes ne sont jamais loin de l’Océan Pacifique, et plus on “descend” vers le Sud, plus les routes se raréfient, et les ferries circulent selon les saisons. 

Après avoir visité Santiago et Valparaíso, au centre du pays, j’ai embarqué à San Antonio sur un bateau de croisière qui m’a amenée en Patagonie, successivement à Puerto Montt, Punta Arenas et la Vallée des Glaciers, avant d’aboutir à la Terre de Feu, qui est mi-chilienne mi-argentine (j’ai encerclé en rouge ces endroits sur la carte ci-dessus, mais cela se voit peu car les photos sont “réduites” par mon logiciel d’écriture ; cependant, vous pouvez cliquer sur la carte pour mieux voir).

Santiago est une ville très étendue et peuplée de 8 millions d’habitants sur un total de 18 millions environ. Beaucoup de Chiliens possèdent une voiture et les embouteillages y sont inévitables : à titre d’exemple, un soir, il a fallu deux heures en taxi pour faire cinq kilomètres !

À cause des manifestations de protestation populaire qui se tiennent dans tout le Chili depuis novembre dernier, certaines rues étaient fermées. De nombreux graffitis barbouillent les monuments et espaces publics. Une bonne façon de voir les choses “d’en-haut”, et sans souci, a été de prendre un bus touristique qui proposait un tour “historique” de la ville.

C’est de ce bus que j’ai vu et pris rapidement en photo cet étonnant et gigantesque slogan écrit en latin !

Santiago-Chili

 

En lettres rouges et bleues, il est écrit : HIC MEUS LOCUS PUGNARE EST ET… (reste indéchiffrable), ce qui signifie grosso modo : Ici c’est mon endroit pour combattre et …

Pendant mon séjour, j’ai souvent vu le mot espagnol “lucha” (la lutte) écrit sur les murs de différentes villes du Chili, mais j’avoue avoir été étonnée de trouver, à Santiago, du latin au service de la même cause !

Toujours pendant ce tour de ville, j’ai visité la place de la Cathédrale et autres églises adjacentes — lieux de culte encore très importants dans ce pays majoritairement catholique.

Comme la cathédrale a été placée sous la gouverne de Jésuites, elle porte l’inscription A.M.D.G. Cet acronyme est l’abréviation de Ad Majorem Dei Gloriam (Pour la plus grande gloire de Dieu), devise latine de la Compagnie de Jésus. Quant à l’église située juste à côté d’elle, elle indique : ECCE TABERNACULUM DEI CUM HOMINIBUS, qui peut se traduire en latin ecclésiastique par : Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes. À l’origine, le nom “tabernaculum” signifie “la tente” en latin classique. Cicéron mentionne sous ce terme que les Romains dressaient une tente augurale (pour prendre les augures et savoir si les dieux étaient favorables) avant les comices (assemblées du peuple romain pour voter).

Si le caractère sacré du “tabernaculum” est passé d’une religion à l’autre, il est amusant de constater que la moderne Santiago rend encore hommage aux dieux du Panthéon gréco-romain.

En témoigne la magnifique Terraza Neptuno (Terrasse de Neptune), située en hauteur dans un endroit ombragé d’immenses arbres — un lieu hautement touristique (accessible seulement à pied) et un but de promenade pour les familles !

Continuant ma promenade dans la ville à pied, après Neptune j’ai vu El Mercurio (Mercure), qui, en dieu ailé et rusé du Commerce, patronne une boutique de Santiago.

Mercure au Chili

Et, pour compléter mon exploration, j’ai arpenté la rue Isidora, dont les larges trottoirs émaillés d’arbres sont jalonnés de bancs multicolores, peints à la main (sans doute par des artistes locaux).

Parmi ces bancs, je suis tombée sur deux “trouvailles” qui m’ont forcément plu :

l’une d’elles fait allusion au mythe grec de Psyché et Cupidon, dont l’histoire d’amour touchante a inspiré de nombreux artistes.

Le dessin du banc au Chili est la copie de l’oeuvre en marbre du sculpteur italien Antonio Canova, dont deux statues représentant Cupidon et Psyché (1794) sont exposées l’une au Musée du Louvre, l’autre au Musée de l’Hermitage (Saint-Pétersbourg). J’ai vu ce moulage en plâtre (préparatoire à son travail sur le marbre) au Metropolitan Museum of Art de New York.

L’autre banc “trouvaille” contient une phrase en latin ! Son registre n’est plus mythologique, mais philosophique, avec une touche d’humour scatologique.

En effet, la phrase écrite sur le rabat du siège de WC dessiné indique : QUO OMNES AEQUALES, qu’on peut traduire par : Là où tous (sont) égaux OU Par quoi tous (sont) égaux. Ce qui donne à réfléchir …

Après trois jours à Santiago, je suis allée une journée dans un lieu inoubliable (World Heritage Site de l’UNESCO depuis 2003), Valparaíso — ville portuaire dont le nom est la contraction de : Va a (e)l para(d)iso, Va au paradis !

J’y ai vu un grand marché au poisson, en bordure de mer, près duquel se rassemblent otaries, mouettes et pélicans, attirés par le fumet des étals.

J’ai beaucoup marché dans cette ville spectaculaire, possédant 42 collines et une trentaine de funiculaires pour les gravir, des rues en pente, des maisons colorées, de superbes murales, et des street dogs — des chiens qui n’appartiennent à personne, mais dont tout le monde prend soin et qui vous accompagnent gentiment partout !

Le Chili est un grand producteur de produits de la mer, et les menus chiliens affichent plus fréquemment poissons, crustacés ou coquillages que viande. J’ai goûté au “dorado” et au “hake” … plats de poisson accompagné d’un bon vin — autre production alimentaire très renommée au Chili.

Dans la Vallée Casablanca, entre Santiago et Valparaíso, le vin peut même avoir un nom latin témoignant de son excellence !

Puis ce fut l’embarquement, au port de San Antonio, à une centaine de kilomètres de Santiago. Passagère dûment enregistrée, j’avais un affidavit pour les escales que nous allions faire encore au Chili.

Port au Chili
Déclaration sous serment

Et comme par un fait exprès — clin d’oeil à mon goût pour la mythologie gréco-latine — c’est un bateau pilote nommé ZEUS 1 qui a guidé notre paquebot hors du port ! De surcroît, en sortant nous avons croisé un cargo nommé LYRA (la lyre) LEADER ! Le voyage s’annonçait donc sous les meilleurs auspices.

Port du Chili

Avec ZEUS, je n’ai donc pas vraiment “quitté le Chili” ; seulement le port de San Antonio.

Nous sommes descendus vers la Patagonie et c’est la Nature qui a pris toute la place. À Puerto Montt, les volcans, les rochers, les lacs, les forêts, les fleurs nous ont émerveillés.

Le latin de la botanique permet de savoir que le “Coihue” appartient à l’espèce des hêtres (Fagus, en latin).

Plus loin, à Punta Arenas, la ville continentale la plus au Sud du pays, j’ai pu admirer le lever du soleil sur le Détroit de Magellan, découvert en 1520, il y a juste cinq cents ans,

Sunrise au Chili

et j’ai vu un entrepôt nommé NAUTILUS (le nautile ou argonaute, un mollusque mentionné par Pline l’Ancien dans son Histoire Naturelle),

Nautilus au Chili

Nautilus qui est également le nom de l’extraordinaire vaisseau sous-marin du Capitaine Nemo (“Personne”, en latin), héros du roman Vingt Mille Lieues sous les mers de Jules Verne.

Un peu plus au Sud encore, dans la majestueuse et déserte Vallée des Glaciers, notre paquebot a croisé non pas le Nautilus, mais un navire nommé le STELLA AUSTRALIS. Le nom de ce bateau, “Étoile australe” ou “Étoile du Sud”, était en quelque sorte le présage de futures aventures au bout du monde.

Au Sud du Chili
Couleurs naturelles !

Mais ceci est une autre histoire (à suivre) ! 

 

 

 

 

 

 

 

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