Les “merveilleux nuages” de l’Antarctique

Après avoir visité une partie du Chili, j’ai eu la chance de faire un voyage de six jours en Antarctique, fin janvier 2020, au cœur de l’été austral.

Parti d’Ushaïa, le bateau a franchi le Cap Horn, puis le Passage (houleux !) de Drake, pour arriver aux abords de la Péninsule antarctique, au Nord (et Nord-Ouest) du “sixième continent” — reconnu comme tel en 1840, après avoir été “conquis” il y aura deux cents ans cette année.

Le nom de l’Antarctique vient du grec. Il est formé du préfixe αντι (anti, opposé à) et du nom αρκτος (arctos, ours/ourse) — d’où vient l’Arctique.

L’Antarctique est donc littéralement (et géographiquement !) à l’opposé de l’Arctique. Cependant, malgré son nom, s’il y a des ours polaires en Arctique, il n’y en a pas en Antarctique. Ni même aucun mammifère terrestre. Mais j’y ai vu des baleines et des pingouins (ou plutôt des “manchots”, puisque nous étions en Antarctique) !

C’est le plus froid et le plus venteux des continents. On y a enregistré 89,2 degrés Celsius à la Station Vostok le 21 juillet 1983 — la plus basse température jamais observée sur Terre. Il est recouvert de 13 586 000 Km² de glace, et si cette glace fondait entièrement, le niveau mondial de la mer augmenterait de 70 mètres environ (estimation de la National Geographic Society, Washington, D.C.).

C’est aussi le plus sec des continents, car bien qu’il contienne les trois quarts de l’eau douce de la Terre sous forme de glace, la moyenne des précipitations que l’Antarctique reçoit est inférieure à 5 centimètres par an — ce qui est à peu près le montant de pluie qui tombe annuellement dans la partie la plus aride du Sahara.

Ces chiffres, ce sont les savants qui nous les indiquent ! Car, depuis le Traité de l’Antarctique, signé en 1959 par douze nations auxquelles se sont joints peu à peu d’autres pays (il y en a maintenant 54), le continent est dédié à un usage pacifique et consacré à la recherche et au libre-échange d’informations scientifiques entre pays (actuellement 29 pays ont des programmes d’études et de recherches actives) .

Toutes ces informations, des membres de la Station Palmer (appartenant aux États-Unis) sont venus nous les donner sur le bateau. Car, n’étant pas des scientifiques en mission, nous n’avons pas été autorisés à mettre le pied sur le sol glacé de l’Antarctique.

Mais, chaque jour, nous avons pu admirer un paysage spectaculaire et inoubliable, toujours pareil et pourtant toujours changeant : la mer, les rochers de granite, les icebergs, le ciel et les nuages. J’ai particulièrement aimé les métamorphoses du ciel, lumineux plus de vingt heures sur vingt quatre pendant l’été austral.

C’est pourquoi je vous montre dans cet article quelques photos (sans retouches) des “merveilleux nuages” — expression qu’emploie le poète Baudelaire dans son Petit Poème en prose intitulé “L’étranger” ; expression reprise par la romancière Françoise Sagan en titre d’un de ses ouvrages.

Je crois avoir vu jour après jour presque toutes les sortes de nuages : les stratus, cumulus, stratocumulus, nimbostratus, cumulonimbus, altocumulus, cirrocumulus et cirrus. Je me risque à les identifier, sous toutes réserves, en me fiant à leur définition étymologique (et à celle du dictionnaire Robert).

Que de noms latins !

Voici d’abord des cirrus (et cirrostratus).

Cirrus a plusieurs sens, comme l’indique le dictionnaire Gaffiot (Latin-Français). Il qualifie toujours quelque chose de fin : une boucle de cheveux, une touffe de crins au front d’un cheval, une aigrette d’oiseau, un rameau filiforme, un bras de polype, une frange de vêtement, ou la bordure effrangée d’une huître !

Les cirrus sont donc des nuages qui s’étirent en filaments très haut dans le ciel.

Puis des stratus.

Stratus signifie “couverture de lit, couche, tapis” en latin. Les stratus, qui se rencontrent à basse altitude, et apparaissent souvent gris, semblent “couvrir” l’endroit au-dessus duquel ils sont. Le mot français “strate” (couche de terrain, en géologie) vient de stratus.

Ensuite, des cumulus (et stratocumulus ou cirrocumulus).

Cumulus signifie “amas, amoncellement”. Il est à l’origine de plusieurs mots français : “cumul, cumuler, accumuler, accumulation etc.”

Enfin, des nimbus ( ainsi que des nimbostratus et des cumulonimbus).

Nimbus a de nombreux sens. Il désigne d’abord la “pluie d’orage, l’averse”, puis le “(gros) nuage enveloppant les dieux” — les dieux olympiens gréco-romains étant censés habiter au sommet du Mont Olympe, en Grèce, dont le sommet est habituellement caché par des nuages ! C’est peut-être à cause de cela que l’on dit d’une personne rêveuse, distraite, ou loin des réalités quotidiennes, qu’elle est “dans les nuages” ou “sur son petit nuage” ?

D’où le nom du personnage du Professeur Nimbus, une bande dessinée française où le héros préfigure, par sa distraction, le fameux Professeur Tournesol d’Hergé. Et sans doute aussi le nom du balai de Harry Potter (Nimbus 2000), auxiliaire de ses victoires aériennes au jeu du Quidditch ! Nimbus désigne aussi le “nimbe” (auréole d’un saint) et un “nuage de poussière ou de fumée”. Au sens figuré, il est synonyme de “situation orageuse, malheur”. Il a donné le verbe “nimber” qui signifie “entourer de lumière”. 

Quant à l’adjectif altus (“alto” en composition avec “cumulus” dans le nom de l’altocumulus), il signifie ici “haut, élevé”, comme dans “altitude”.

Il y a aussi des ciels nuageux inclassables (pour moi !) et superbes. Rien de “froid” dans cet univers silencieux : c’est envoûtant …

Finalement, il est fort possible que je me sois trompée dans mon identification des nuages sur certaines photos.

Ne m’en veuillez pas, même après mon retour chez moi je suis encore “dans les nuages” !

One thought on “Les “merveilleux nuages” de l’Antarctique

  1. Je rêve à ces splendides ciels tandis que depuis deux jours nous vivons sous un ciel plombé…Merci de nous faire partager et ton enthousiasme et tes connaissances pour expliquer ces phénomènes. Que la douceur de tes beaux souvenirs t’accompagne, Catherine.

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