De quelques devises (non monétaires) ayant cours à New York

J’ai assisté récemment à la rentrée universitaire des étudiants de l’Université de New York (NYU). Au dernier étage d’un des bâtiments du campus, on a cette vue sur le Washington square, où l’Arc de Triomphe “à l’antique” côtoie la modernité des gratte-ciel.

Comme souvent aux États-Unis, les établissements d’enseignement possèdent des armoiries avec des devises en latin.

D’ailleurs, le Board of Education (Conseil scolaire) de la ville de New York s’affiche officiellement en anglais et en latin.

Sur son sceau, dont on voit ici les deux faces, on distingue, à gauche, des éléments symboliques du Board consacré à l’Éducation. Au centre, il y a un livre ouvert (symbole de la science et de la sagesse, selon le Dictionnaire des Symboles, coll. Bouquins, p. 579), entouré d’une couronne de lauriers (les Romains en firent l’emblème de la gloire, aussi bien des armes que de l’esprit, ibid. p. 563) et placé devant une torche enflammée (symbole de la flamme spirituelle dans l’homme et dans la société, ibid. p. 445).

À droite, le sceau porte des éléments représentatifs de la ville de New York, à commencer par la devise Sigillum civitatis novi Eboraci, qui signifie “Sceau de la ville de New York”. Eboracum était le nom latin d’une ville de (Grande) Bretagne au IVème siècle ; elle s’appelle aujourd’hui “York”. Sur cette face, quelques figures symboliques sont aisées à reconnaître : un(e) aigle aux ailes déployées (oiseau-tutélaire … symbole des états spirituels supérieurs … symbole romain de l’empire, ibid. p. 12-16), un colon européen en costume du XVIIème siècle et un Amérindien autochtone.

Quant à l’Université de New York elle-même, ses armoiries adoptent résolument des éléments de l’Antiquité gréco-romaine.

Est grec le “corps” de la devise, c’est-à-dire les figures qui l’illustrent. Ici, quatre athlètes nus se mesurent à la course. L’un d’eux, détaché du peloton, a atteint la couronne de feuillages posée sur une demi-colonne cannelée et symbolisant la victoire. Le flambeau (flamme qui éclaire les chemins de l’initiation, ibid. p. 956), brandi par une main, rappelle la flamme olympique de l’Antiquité – ce qui est intéressant car ce blason date de 1831 et les Jeux Olympiques modernes n’ont été instaurés qu’en 1896.

Est romaine “l’âme” (la phrase en latin et la date en chiffres romains) de la devise. Composée de deux verbes paronymes, Perstare et praestare, qui signifient littéralement “Persister et l’emporter”, cette sentence exprime l’idée que toute persévérance est couronnée de succès – ce qui encourage les étudiants à travailler dur !

Dans les parages, sur un autre immeuble du campus de NYU, est gravée la devise Virtus non stemma, empruntée à la Maison du Duc de Westminster et appliquée ici à “International Residence Hall (Résidence universitaire internationale) Samuel Rubin”.

Virtus non stemma est traduit en anglais par “Virtue not pedigree”. Bien que noble et titré de façon héréditaire, le possesseur originel de cette devise revendiquait d’être jugé sur sa valeur personnelle et non sur sa famille.

Virtus est, étymologiquement, la qualité (suffixe en –tus) de l’homme, l’être masculin (vir). Pour les Romains, peuple guerrier, c’était le courage qui était la vertu par excellence. Stemma (du grec στεμμα) désigne une guirlande décorative, mais surtout, au sens figuré, une guirlande qui reliait entre eux les noms des ancêtres, d’où arbre généalogique, lignée.

La revendication altière du Duc anglais (reprise par cette résidence universitaire new-yorkaise où cohabitent des étudiants venus de partout) fait écho à ce qu’écrivait le philosophe stoïcien latin Sénèque au Ier siècle de notre ère. En effet, dans son traité Des Bienfaits, il remarque : “Eadem omnibus principia eademque origo ; nemo altero nobilior, nisi cui rectius ingenium et artibus bonis aptius. Qui imagines in atrio exponunt et nomina familiae suae longo ordine ac multis stemmatum inligata flexuris in parte prima aedium conlocant, non noti magis quam nobiles sunt. Nous avons tous les mêmes commencements, une même origine. Nul n’est plus noble qu’un autre s’il n’a l’esprit plus droit et plus propre à la vertu. Ceux qui exposent dans leur vestibule les images de leurs ancêtres, et placent à l’entrée de leur demeure une longue série de noms liés entre eux par les rameaux d’un arbre généalogique, sont plus connus que nobles.” (De Beneficiis, III, 28 ; traduction de J. Baillard, Paris, 1914)

Des remarques d’une portée encore actuelle !

Même si, en ce très court séjour, je n’ai pas pu faire davantage d’investigations sur la présence du latin dans les rues de Manhattan, ces quelques devises me donnent l’impression qu’avec toute son exubérance cosmopolite, New York se situe au-delà de l’Antiquité, au-delà de la Modernité, hors du temps.

Devises de New York

Et quand j’ai quitté New York, dans le grand espace de l’aéroport La Guardia j’ai vu ces deux devises en latin : celle de la ville (Excelsior, Ever upward, Toujours plus haut) et celle des États-Unis (E pluribus unum, Out of many one, Tous ensemble ils ne font qu’un).

Quand le latin éclaire le monde ! …

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