Petits “trésors” dus à Marco Polo

Au Musée d’Archéologie et d’Histoire de Montréal (Pointe-à-Callière) j’ai vu une superbe exposition (6 mai-26 octobre 2014) consacrée au “fabuleux voyage” que Marco POLO raconte dans Le Livre des Merveilles (ou Le Devisement du monde, c’est-à-dire “Le Récit du monde”).

J’ai beaucoup apprécié la richesse du contenu de cette exposition, et j’en ai retiré quelques petits “trésors” inattendus : des mots français qui proviennent des pays traversés par le célèbre “marchand de Venise” !

Marco Polo,  entouré de son père et de son oncle, quitte Venise de 1272 à 1295 pour une expédition de plus de vingt ans en Asie ; elle les mènera jusqu’en Chine, en passant par le Moyen-Orient et l’Empire mongol. Sa ville natale, la “Cité des Doges” (doge est un mot italien issu du latin dux, le chef), est un comptoir de commerce international. C’est pourquoi le jeune Vénitien est polyglotte, parlant, entre autres langues, le français, le turc et le persan.

D’ailleurs, c’est en français que Marco Polo a dicté ses souvenirs à Rusticello de Pise, écrivain italien mais parlant le champenois (une des langues régionales de France), pendant leur commune incarcération de trois années en prison, après son retour à Venise. Le livre a ensuite été traduit en italien.

Ce Livre des Merveilles, dont l’authenticité a souvent été mise en cause, n’est pas un récit de voyage. Mais il n’est pas non plus un livre de marchand. Certes, des richesses y sont décrites : des pierres et des émeraudes, des produits végétaux, du poivre et des épices … Avec la soie, ce sont des biens qui intéressent les Occidentaux. Mais le Vénitien n’en parle que pour établir la puissance du (Grand) Khan … Mais si le texte de Marco Polo n’est ni un récit de voyage ni un livre de marchand, il procède donc en revanche à la fois du rapport de mission et de l’encyclopédie médiévale (extraits d’un article du magazine L’Histoire de janvier 2002, p. 76-81).

Pour donner accès à cette encyclopédie médiévale, l’exposition montréalaise présente donc de façon pédagogique une collection de tissus précieux répertoriés dans la langue française, certains à partir du XIIIè siècle.

La mousseline est une étoffe fine de pur coton, dont le nom “mussolina” en italien provient d’un adjectif arabe qui dérive de la ville de Mossoul, en Irak. De plus, outre un tissu, le terme “mousseline” désigne encore maintenant dans la cuisine française une purée et une sauce, d’une légèreté aérienne !

La gaze, étoffe fine et légère également, viendrait de la ville de Gaza, en Palestine. Elle est parfois enrichie de fils d’or ou d’argent. La gaze employée en médecine (bandages, pansements) a la même origine étymologique.

On trouve aussi du tissu damassé, originaire de Damas, en Syrie. Cette lourde étoffe de soie et lin, ornée de motifs en relief, témoigne d’un travail complexe de tissage. De même la coutellerie ou les armes damasquinées (du nom de Damascus, Damas en latin) montrent-elles l’expertise des artisans syriens qui incrustaient sur du métal un filet d’or, d’argent ou de cuivre pour former un dessin.

D’autres lourdes étoffes (souvent des tapisseries) sont utilisées pour habiller les lits d’un “ciel de lit” ou baldaquin, dont le nom italien “baldacchino” vient par dérivation de la ville de Bagdad, en Irak.

Outre les tissus précieux, des pierres, précieuses également, sont offertes aux regards des visiteurs de l’exposition. Ainsi les turquoises, que Marco Polo a pu voir en Iran (ou en Chine), et que les autres Européens découvriront lors des Croisades. Car ce sont les Turcs qui les leur firent connaître, et l’adjectif “turquois” signifiait “turc” au XIIIè siècle.

Le Livre des Merveilles porte bien son nom. Étymologiquement, en effet, merveilles vient de l’adjectif substantivé latin “mirabilia” qui veut dire : choses étonnantes, admirables !

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