Berne (septembre 2014)

Je viens de séjourner quelques jours à Berne, capitale, depuis 1848, de la Suisse — ou plutôt, devrais-je dire, de la “Confédération helvétique”, termes qui ont leur importance par leur lien avec le latin.

Comme cette dénomination l’indique, ce pays est formé de petits états, en l’occurrence 26 “cantons”. D’autre part, les Suisses ont pour lointains ancêtres les Helvetii (Helvétiens ou Helvètes), tribu celtique installée depuis la fin du IIè siècle avant notre ère dans la partie occidentale du territoire actuel. Du nom de ce peuple vient l’adjectif helveticus, helvétique.

Dans ses Commentaires sur la Guerre des Gaules, témoignant de ses campagnes de 58 à 52, Jules César fait une longue description du pays et de ses habitants : les Helvètes sont de toutes parts resserrés par la nature des lieux ; d’un côté par le Rhin, fleuve très large et très profond, qui sépare leur territoire de la Germanie, d’un autre, par le Jura, haute montagne qui s’élève entre la Séquanie et l’Helvétie ; d’un troisième côté, par le lac Léman et le Rhône qui sépare cette dernière de notre Province. Il résultait de cette position qu’ils ne pouvaient ni s’étendre au loin, ni porter facilement la guerre chez leurs voisins ; et c’était une cause de vive affliction pour des hommes belliqueux. Leur population nombreuse, et la gloire qu’ils acquéraient dans la guerre par leur courage, leur faisaient regarder comme étroites des limites qui avaient deux cent quarante milles de long sur cent quatre-vingt milles de large (De Bello Gallico, I, 2, traduction de Maurice Nisard, 1865, revue et modernisée).

Par ces détails, César veut justifier, auprès de ses contemporains comme de la postérité, son intervention militaire en Gaule : les Helvètes avaient quitté leur pays et tentaient de s’installer sur les terres des Santons, peu distantes de Toulouse, ville située dans la Province romaine. Et lui, il comprit que si cela arrivait, cette province serait exposée à un grand péril, ayant pour voisins, dans un pays fertile et découvert, des hommes belliqueux, ennemis du peuple romain (ibid. I, 10).

Finalement, les Helvètes furent vaincus par César et contraints de retourner chez eux !

Après ces événements, et durant les quatre premiers siècles de notre ère, l’Helvétie, conquise et pacifiée par Auguste, fait partie de l’Empire romain et prend Rome pour modèle. Il s’ensuit le développement des voies de communication (routes pavées), de l’économie et du commerce (monnaies romaines) ainsi que l’adoption de la langue et de la culture latines (thermes, théâtres, sanctuaires etc.).

Il en reste queques traces archéologiques, dont on peut voir des éléments au Musée Historique de Berne :

Mais, au Vè siècle, l’unité de l’Helvétie romanisée disparaît. L’invasion des Alamans et des Burgondes et l’effondrement de l’Empire romain d’Occident obligent les Helvètes à se réfugier dans leurs montagnes. Il en résultera, plusieurs siècles après, une mosaïque de peuples et de langues, dans un pays rebaptisé d’après le nom d’un des cantons fondateurs (Schwyz), et s’appelant dans les quatre langues nationales : en allemand (Schweiz), en italien (Svizzera), en romanche (Svizzra) et en français (Suisse).

C’est peut-être pourquoi le Parlement de Berne (bâtiment du XIXè siècle mais à l’architecture d’aspect “antique”), où siègent les deux Chambres et le gouvernement, porte l’inscription latine Curia Confoederationis Helveticae, qui le définit objectivement comme étant la Curie (ou sénat) de la Confédération helvétique, sans favoriser une langue plus que l’autre :

Le latin, langue fédératrice, même à une époque moderne !

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