Chemin faisant …

Un dicton célèbre affirme que Tous les chemins mènent à Rome.

Écrit en latin à l’origine, il date du XIIè siècle et fait référence au chemin, quel qu’il soit, des pèlerins qui voulaient se rendre dans la capitale de la chrétienté.

Mais c’était vrai aussi pour la Rome de l’Antiquité, d’où partaient et où convergeaient de nombreuses voies.

Selon la tradition, le premier constructeur de routes fut Appius Claudius le Censeur, qui, en 312 avant J.C., entreprit la construction de la route qui porte son nom, la Voie Appienne (Via Appia), principale route menant de Rome au Sud de l’Italie, indique le Dictionnaire de l’Antiquité (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 885-886).

Les voies romaines portaient le nom des consuls ou censeurs qui les avaient fait construire. Ainsi trouvait-on, entre autres, la Via Flaminia (de Flaminius), la Via Aemilia (d’Aemilius), la Via Clodia (de Clodius), la Via Caecilia (de Caecilius), la Via Popillia (de Popillius), la Via Domitia (de Domitius) etc.

Cas particulier, la Via Sacra (sans nom de magistrat), bordée de temples, traversant le Forum, et lieu des processions et cérémonies religieuses, s’appelait de ce fait la “Voie sacrée”.

Via Sacra, un chemin célèbre
Via Sacra, près du Colisée

Larges (2,50 m à 5 m), légèrement bombées avec des rigoles sur les côtés pour l’écoulement des eaux, rectilignes, formées de matériaux superposés (sable, graviers, gros cailloux, dalles ou pavés), les voies témoignaient du savoir-faire des géomètres-arpenteurs romains. Elles étaient ponctuées de bornes milliaires (une borne tous les mille pas)

Bornes de chemin
Bornes milliaires sur la voie de Toulouse à Carcassonne (France)

et de relais de poste (mansiones).

Elles étaient aussi bordées de stèles funéraires, les morts étant inhumés en dehors des villes.

Pourquoi les Romains montraient-ils tant d’intérêt pour les “ponts et chaussées” ?

Le vaste réseau des routes romaines fut établi pour des raisons politiques et militaires plutôt qu’économiques. Il visait à assurer l’autorité romaine sur les territoires conquis et la défense des frontières, mais il eut aussi pour effet de développer le commerce et les communications pacifiques (ibid.).

En effet, les routes nationales en France et dans certains pays d’Europe ont été bâties sur d’anciennes voies romaines.

De plus — preuve de l’intérêt des Anciens pour les communications — le latin possédait plusieurs mots pour désigner les chemins et les routes.

Parmi eux, le nom iter, itineris, qui a donné les termes itinéraire, itinérant, itinérance ainsi que le nom de l’ancien opérateur de téléphonie mobile Itineris (créé en 1992) par France-Telecom. L’expression latine iter facere est littéralement à l’origine de l’expression  française “chemin faisant”.

Mais le plus fréquent des termes est le nom via, dont la postérité est nombreuse.

Déjà en latin, il possède plusieurs significations, dont un sens figuré passé aussi en français : “voie” en tant que moyen ou méthode. On trouve, par exemple, l’expression via et arte (= méthodiquement et théoriquement) dans le Brutus, traité oratoire de Cicéron.

De via dérivent en français : un viaduc, une déviation, un viatique (provision pour faire la route, et notamment dernier sacrement de l’Église catholique destiné à un mourant), un voyage, un envoi, un convoi, un renvoi, un voyou (garçon qui traîne dans les rues), la compagnie canadienne Via Rail, aller d’un endroit à un autre via un troisième lieu, dévier, viabiliser (rendre un terrain carrossable), voyager, envoyer, renvoyer, convoyer, ferroviaire (qui concerne la voie ferrée, le chemin de fer), trivial (situé au carrefour de trois voies, donc chemin battu et rebattu, d’où usé, banal et vulgaire) etc.

Boutique à La Rochelle (France)

Mais nulle trivialité dans le nom du populaire jeu de société Trivial pursuit, ni dans l’épithète de Trivia accolée aux déesses Diane et Hécate (dont les statues étaient honorées aux croisements de trois voies). L’anglais way, l’allemand Weg et leurs dérivés en proviennent également, tandis que l’italien a gardé le mot via.

Cette liste est impressionnante.

Les parlers européens reflètent-ils l’idée que les héritiers de l’empire romain sont de grands “communicateurs” ?

Que faut-il alors conclure du nombre d’appellations différentes en français données aux actuelles voies de communication : “rue, ruelle, route, venelle, chemin, avenue, boulevard, chaussée, cours, allée, mail, passage, cul-de-sac, impasse” … et j’en passe ?

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