Drôles d’oiseaux !

Les oiseaux, qu’ils soient de la comédie du Grec Aristophane (Ornithes, 414 avant notre ère) ou du film d’Alfred Hitchcock (The Birds, 1963), fascinent depuis longtemps les êtres humains.

Animaux de compagnie, petit gibier, attributs des dieux, accessoires de divination etc., ils jouaient de nombreux rôles dans la vie quotidienne des Grecs et des Romains antiques.

Présents aussi dans les Beaux-Arts, comme la sculpture, la peinture ou la mosaïque, et même les origami japonais, ils sont porteurs de mythes, de superstitions ou de symboles.

Voici les “drôles d’oiseaux” que j’ai vus lors de récents voyages.

À tout seigneur, tout honneur : l’aigle de Zeus/Jupiter !

Ce relief de marbre, exécuté par Richard Westmacott en 1811 et exposé à la galerie Tate Britain à Londres, montre l’enlèvement de Ganymède par l’aigle de Zeus/Jupiter, ou par le dieu lui-même métamorphosé.

L'aigle et Ganymède

Dans la mythologie grecque, le jeune et beau Ganymède était le fils de Tros (ou de Laomédon), roi de Troie. Aimé de Zeus, il fut ainsi transporté dans l’Olympe où il servait d’échanson, versant à boire le nectar et réjouissant les dieux. Par la suite, sa fonction lui valut l’immortalité : il est devenu la constellation du Verseau (Dictionnaire de l’Antiquité , coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 428).

L’aigle était l’attribut du roi des dieux (Zeus/Jupiter) car il était considéré comme le roi des oiseaux … incarnation, substitut ou messager de … la volonté d’en Haut. En effet, censé être le seul animal à pouvoir regarder le soleil sans se brûler les yeux, il symbolisait les triomphes de la guerre, de la chasse et des moissons, (et) la vélocité. D’où son utilisation comme emblème, notamment dans l’armée romaine, et plus tard, en France, par Napoléon Ier (Dictionnaire des Symboles, coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 12-16).

Petite parenthèse, à ce propos, sur une bizarrerie de la langue française : “aigle” est masculin au singulier lorsqu’il désigne l’animal, mais féminin au pluriel lorsqu’il s’agit des enseignes de l’armée. On dira donc “les aigles romaines” ou “les aigles napoléoniennes” pour parler des symboles.

À sa valeur solaire, les Romains ajoutaient une valeur d’augure, c’est-à-dire d’instrument de la divination par les oiseaux, qui transmettent l’approbation des dieux. Divination (appelée ornithomancie) qui se fait en interprétant le vol, le cri ou l’appétit des oiseaux — ce que les Latins appellent “prendre les augures” ou “prendre les auspices”. C’est ainsi que le jeune Octave, à qui un aigle aurait volé puis rapporté un morceau de pain, s’était spectaculairement vu prédire un destin exceptionnel : il deviendra l’empereur Auguste !

Mais, en tant que prédateur, l’aigle a également un aspect négatif et symbolise une volonté de puissance inflexible et dévorante (Ibid.).

C’est ce qu’exprime le relief en marbre de ce sculpteur anglais, contemporain de William Turner, et qui, comme ce dernier dans ses tableaux, en utilisant la mythologie gréco-romaine, représente ici symboliquement le conflit entre l’Angleterre et la France au moment des guerres napoléoniennes.

En effet, l’aigle de la sculpture de Westmacott impressionne par sa taille (bec, ailes et serres immenses) et son regard sévère.

D’autre part, bien qu’il soit Troyen (il porte le bonnet phrygien dont on repère un bout dans sa chevelure), le jeune homme a un corps d’éphèbe avec les canons de la Beauté grecque : cheveux bouclés, nez droit, deuxième orteil plus long que le premier. Il est donc idéalisé (et son physique est d’ailleurs une “académie” ou nu parfait). Seule son attitude lors de ce rapt amoureux pourrait sembler ambiguë à nos yeux modernes : Ganymède accompagne-t-il de sa main l’envol, ou bien le refuse-t-il ?

Mais le public anglais de 1811 comprenait bien qui était symbolisé par l’aigle agresseur. Par la suite, l’Histoire, entraînant la défaite de l’Aigle napoléonien, démentira le mythe !

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