J’ai passé la première semaine de février 2020 à Buenos Aires.
La capitale de l’Argentine est très étendue et regorge de richesses architecturales et artistiques. J’y ai pris beaucoup de photos !
Parmi toutes ces belles choses, et pour continuer les découvertes que j’ai faites en Amérique latine — notamment au Chili — j’ai cherché ce qui pouvait faire penser à l’Antiquité gréco-romaine. Je garde pour un autre article ce qui se rapporte au grec et à la civilisation grecque, et je vous propose ici un peu de latin, vu dans Buenos Aires intra muros.
Le nom de l’Argentine vient lui-même du nom latin argentum, “l’argent” (métal), car les premiers colonisateurs espagnols, au XVIè siècle, croyaient y trouver des mines d’argent. D’ailleurs, le nom de Rio de la Plata, vaste estuaire le long duquel se trouvent Montevideo (Uruguay) et Buenos Aires, signifie en espagnol “rivière d’argent”.
La ville de Buenos Aires fut fondée en 1536. Elle compte maintenant trois millions d’habitants environ, encore majoritairement catholiques, et fiers que leur ex-archevêque soit devenu Papa Francisco (le Pape François). Sur le mur de façade de la cathédrale, dont l’architecture est très inspirée des temples gréco-romains, se trouve un médaillon portant une supplique en latin adressée à Dieu : Salvum fac populum tuum (Fais que ton peuple soit sauvé !).
À l’intérieur de la cathédrale, des inscriptions tirées de la Bible ou des Évangiles sont écrites sur les hautes voûtes, tandis que les armoiries papales s’affichent dans une pièce située derrière l’autel. La devise latine du Pape, Miserando atque eligendo, signifie littéralement “En compatissant et en choisissant”.
Autre bâtiment qui s’inspire à la fois de l’Antiquité et de la modernité, le Palacio del Congreso impose sa monumentalité ! Érigé à l’imitation du Capitole de Washington, il abrite depuis 1906 le Sénat et la Chambre des députés, Buenos Aires étant aussi la capitale politique du pays.
Au moment de ma visite, il était couvert d’échafaudages. Mais on pouvait toujours distinguer les statues placées sur le toit ou devant l’édifice.
À gauche on voit la Victoire (Victoria en latin, Νικη Nikê en grec) portant une couronne de lauriers (pour le triomphe d’un général victorieux) et tenant les rênes de son char ; à droite, la (bonne) Renommée (Bona Fama en latin, Ευδοξια Eudoxia en grec) embouchant sa trompette pour clamer la gloire du vainqueur. Devant le Congreso, plusieurs divinités (pas toujours faciles à identifier), une corne d’abondance et des chevaux marins.
Toujours dans la série des bâtiments de style gréco-romain, l’ancienne Escuela Presidente Roca est devenue une bibliothèque publique de Buenos Aires, et rend hommage aux pouvoirs de la lecture. Cette bibliothèque porte sur sa façade un slogan que n’aurait pas renié Voltaire, philosophe des Lumières (Mouvement culturel européen du XVIIIè siècle dont la devise était Sapere aude, “Ose savoir”) !
Entre les noires colonnes aux chapiteaux ioniques on peut, en effet, lire une inscription lapidaire, Liber liberat, qui peut se traduire en français, avec un effet stylistique semblable, par : “Le livre libère” ou bien “Le livre délivre” !
Et sur le côté gauche (quand on lui fait face) du bâtiment, une autre inscription percutante, Spiritus litteram vivificat, rappelle que “L’esprit vivifie la lettre”.
Mais à côté de ces magnifiques mais austères monuments, on rencontre à Buenos Aires des constructions pour ainsi dire plus “légères” ! Ainsi, dans un parc situé non loin de la Faculté de droit (qui d’ailleurs ressemble également à un temple gréco-romain), se dresse depuis 2002 une monumentale œuvre d’art, appelée Floralis (Generica).
En latin, floralis désigne un parterre de fleurs (dont la déesse était Flore). Cette gigantesque fleur s’ouvre et se ferme avec la lumière du jour. Elle est impressionnante et populaire !
Il y a aussi un peu partout dans la ville des magasins et endroits populaires qui affichent des appellations en latin. En voici quelques-uns.
Des boutiques de vêtements : Coliseum (mot anglais venant du latin Colosseum, l’Amphithéâtre flavien, appelé Colisée, depuis le Moyen-Âge), Desiderata (littéralement, “les choses ayant été désirées”), Equus (“cheval”) ;
des librairies aux noms inspirés de la littérature ou de la mythologie gréco-romaines : Antigona (Antigone), fille d’Oedipe et personnage théâtral (de Sophocle à Jean Anouilh) très populaire auprès des élèves de lycée ; Saturno (Saturne), dieu changeant, à la fois terrible et bienfaisant ;
l’agence immobilière Invictus (qui signifie “invaincu”) et le théâtre Apolo (mis pour Apollon, dieu grec, adopté par les Romains, des arts) — théâtre où se jouait une tragédie du dramaturge grec Eschyle, Agamemnon, qui raconte la chute de la ville de Troie ;
et des endroits pour boire (les eaux minérales gazeuses Aqua (“Eau”) et Salus (“Santé”) aux noms prédestinés) ou manger : il existe un comptoir de pizzas appelé Ave Caesar — incroyable, mais vrai — César qui est mis à toutes les sauces, peut-être à cause de sa fameuse couronne de lauriers !?
Pour continuer sur cette note sympathique, voici un restaurant où le sport national, alias le fútbol (football), est mis en valeur par des photos et des fanions.
Au pays de Diego Maradona et de Lionel Messi, l’équipe Argentinos Juniors a choisi pour devise un vers célèbre du satiriste romain Juvénal : Mens sana in corpore sano (“Un esprit sain dans un corps sain”).
Enfin, on ne saurait parler de Buenos Aires sans évoquer le tango, danse qui est aussi un verbe latin : Tango signifie “je touche”. L’affiche ci-dessous l’illustre bien.
J’ai assisté à une spectaculaire démonstration de tango dans un cabaret bien coté, où il était interdit de prendre des photos du show. Mais je me suis consolée en voyant sur un trottoir un schéma d’explication des pas de cette danse.
Alors, sur un petit air de Carlos Gardel, chanteur-compositeur de tango et célébrité de Buenos Aires, pourquoi ne pas danser ?