Californie : San Francisco (Antiquité/Modernité 2)

Chercher l’Antiquité dans l’actuelle San Francisco semble paradoxal, mais c’est loin d’une “mission impossible”. J’en ai montré quelques exemples, dans la ville à l’emblème du Phénix et au Palace of Fine Arts. C’était sans faire mention des musées !

Voici un petit choix personnel d’œuvres vues dans deux musées seulement. Elles ont été réalisées à l’époque moderne (fin du XIXè siècle et jusqu’à nos jours), mais s’inspirent des idées, personnages ou arts de la Grèce et de l’Italie de l’Antiquité.

La civilisation classique a une résonance symbolique pour beaucoup d’Américains, qui voyaient (notamment aux XIXè et XXè siècles) leur pays comme ayant été fondé selon les idéaux “démocratiques” et “républicains” d’Athènes et de Rome. Il n’est donc pas surprenant que les artistes aient trouvé des sources d’inspiration dans cette même Antiquité et qu’ils aient créé le Mouvement Greek Revival.

D’abord — et ce n’était pas un endroit attendu — au Musée d’Art Moderne, alias SFMoMa, qui a été agrandi (expansion inaugurée le 14 mai 2016).

Dans l’aménagement intérieur se trouve un oculus bridge, littéralement un pont avec un oculus (du latin qui signifie “œil”, ouverture circulaire, dite aussi œil-de-bœuf, dans une cloison) :

Après avoir gravi quelques belles marches en bois clair, on rencontre la Tarquinia Cone Column (1981) de Beverly Pepper :

Tarquinia-B. Pepper,1981

La notice du Musée explique que cette colonne en fer, qui mesure 10 pieds de haut (environ 3 mètres), a été nommée ainsi d’après la ville de Tarquinia. L’artiste, qui résidait alors à Terni (Italie), rend ici hommage à l’art étrusque et aux sites archéologiques.

On peut également voir Samothrace, sculpture taillée par I. Noguchi en 1984 dans de l’andésite (roche éruptive).

À comparer l’œuvre récente avec la célèbre sculpture hellénistique (Victoire de Samothrace), œuvre de l’Antiquité dont s’enorgueillit le Musée du Louvre, il me semble que, si la “posture” verticale est presque identique et soutient l’analogie, le “personnage” aux lignes très épurées est devenu, vingt-trois siècles après, une idée abstraite, une sorte de symbole du Symbole de la Victoire !

Et pour finir sur un autre medium moderne exposé dans ce musée, voici une lithographie à l’allure de planche de B.D., créée par Roy Lichtenstein et intitulée Reflections on Minerva (1990) :

R. Lichtenstein, Reflections on Minerva, 1990

On se rappelle qu’une déesse Minerve figure sur le Grand Sceau de la ville de San Francisco. C’est une Minerve “ancienne”, posée et incarnant la Sagesse. Mais celle de Lichtenstein, au bandeau astral, au maquillage de pin up — une Minerve moderne — relève de la Science Fiction plutôt que de l’Antiquité !

Ensuite, au Musée de Young, situé dans le Golden Gate Park.

Californie, San Francisco, Musée de Young

Parmi la riche collection d’œuvres, j’en ai choisi quelques-unes qui mettaient en valeur l’héritage de la Grèce antique.

On retrouve la déesse Athéna/Minerve. Marilyn Pappas, artiste, d’origine grecque, représente une tunique en coton brodée à la main de fils d’or et l’intitule Athena with Medusa and Gold Snakes (2001) :

Athena-M. Pappas,2001

Ce motif de l’égide (cuirasse protectrice en peau de chèvre bordée de serpents) a été souvent reproduit à partir d’œuvres originales grecques ou romaines. Il est toujours populaire au XXIè siècle.

Autre déesse, Diane, la chasseresse qui brandit son arc tout en montrant son agilité à la course — ce que rend bien ce bronze, appelé Diana, de F. William Mc Monnies (1889) :

Déesse de la Chasse dans l'Antiquité

Toujours pour honorer l’hellénisme, voici un personnage littéraire connu des lecteurs de l’Odyssée d’Homère. Il s’agit de Pénélope, qui attendit fidèlement son époux Ulysse, parti guerroyer à Troie, et géra avec courage et intelligence le palais d’Ithaque en proie aux déprédations de ses “prétendants”.

Cette statue en marbre de l’artiste Franklin Simmons (1896) lui donne une attitude majestueuse, noble et pensive.

Pénélope, symbole de la fidélité dans l'Antiquité

Plus contemporaine (1994), mais encore rattachée à l’Antiquité grecque, voici une Nature Morte en trompe-l’œil de David Ligare :

Xenia-D. Ligare, 1994

Le titre complet de cette huile sur toile est Still Life with Grape Juice and Sandwiches (Xenia). Le peintre, qui a travaillé comme bénévole dans un refuge pour sans-abris à Salinas (Californie), explique qu’il y servait des sandwiches et des jus de fruits comme ceux qu’il a peints ici. Il a écrit le nom grec Xenia en bas du tableau car ce mot réfère au concept de l’hospitalité en Grèce antique. On y avait coutume de fournir aux hôtes et étrangers de passage des paniers de nourriture. L’artiste revendique la valeur morale de son œuvre, en déclarant que this picture is truly complete if it inspires others to enjoy the privilege of serving those ‘strangers’ among us who are in such need.

Dernière œuvre, notable pour la fusion qu’elle opère entre Antiquité et Modernité, ce buste féminin en marbre modelé par Hiram Powers (1861), intitulé California — que l’on voit ici de dos :

California

Initialement, le sculpteur avait imaginé cette allégorie de l’État de Californie non pas sous les traits de la déesse Minerve (comme elle figure dans le Grand Sceau), mais sous ceux d’une Amérindienne habillée. D’ailleurs, la longue chevelure en queue de cheval de la jeune femme rappelle ce projet originel.

Mais, influencé par l’Italie où il travailla quelque temps, il en fit une version finalement nue — que voici de face :

Parti-pris d'Antiquité

Telle quelle, cette version finale correspond aux critères de la beauté gréco-romaine idéale. Et on ne dirait pas que ce sont deux aspects de la même statue !

Outre sa valeur allégorique, n’est-ce pas là une illustration du caractère si varié, si multiforme, oscillant entre Modernité et Tradition antique, de l’actuelle Californie ?

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