L’Année du Coq s’étend du 28 janvier 2017 au 15 février 2018, dans le zodiaque chinois.
De ce fait, je me suis intéressée à l’importance du coq (animal et symbole) dans l’Antiquité gréco-romaine, et je rapporte ici quelques anecdotes, sans prétention à l’exhaustivité, sans ordre, donc au risque de sauter du coq à l’âne !
Au premier siècle de notre ère, le Romain Pline l’Ancien fait une description naturaliste du coq — description à laquelle il mêle toutes sortes de remarques et interprétations.
Voici quelques extraits (traduits par Émile Littré, 1848-50) du Livre X, chapitre 24, de son Histoire Naturelle : Les plus sensibles à la gloire après les paons sont ces sentinelles nocturnes que la nature a créées pour dissiper le sommeil et ramener l’homme au travail. Ils vont se coucher avec le soleil et à la quatrième veille militaire (trois heures avant le jour) ils nous rappellent aux soins et au labeur. Ils annoncent par le chant le jour qui approche, et ce chant lui-même en battant des ailes. (Ils) commandent dans toute basse-cour où ils se trouvent. Entre eux aussi est une suprématie qui se conquiert par un combat : ils semblent comprendre la destination de l’arme qu’ils ont au pied ; et souvent la lutte n’a point de résultat, les rivaux succombant ensemble. Si l’un d’eux obtient la victoire, il se met aussitôt à chanter, et il se proclame lui-même souverain ; le vaincu se cache en silence, et souffre avec peine l’esclavage … À Pergame, tous les ans, on donne au public le spectacle d’un combat de coqs, comme ici de gladiateurs.
C’est un oiseau digne de tous les honneurs que lui rend la pourpre romaine : leurs mouvements quand ils prennent de la nourriture sont des présages ; ce sont eux qui régissent quotidiennement nos magistrats, ce sont eux qui lancent ou retiennent les faisceaux romains, qui ordonnent ou défendent les batailles, ayant fourni les auspices à toutes les victoires remportées dans la terre entière : en un mot, ce sont les principaux maîtres des maîtres du monde, aussi agréables aux dieux par leurs entrailles et leur foie que les victimes opimes. Leurs chants entendus à des heures indues et le soir sont des présages (Pline, op. cit.).
Comme d’autres oiseaux, le coq servait à la divination.
À Rome, pour toute décision publique importante (déclaration de guerre, prise de pouvoir etc.) on pratiquait les “auspices” (de avis, oiseau, et spicere, examiner), pour obtenir en quelque sorte l’opinion des dieux sur les affaires humaines. De ce fait, des prêtres (ou parfois des magistrats) interprétaient le vol, les cris ou l’appétit des poulets sacrés (et autres volatiles).
L’historien Valère Maxime, au premier siècle de notre ère, raconte que : Dans la première guerre punique, P. Claudius se disposait à livrer un combat naval et avait demandé, selon l’ancien usage, qu’on prît les auspices. Informé par le pullaire (pullarius = celui qui a la garde des poulets sacrés) que les poulets sacrés ne sortaient pas de leur cage, il les fit jeter à la mer en disant : “Puisqu’ils ne veulent pas manger, qu’ils boivent !” Son collègue L. Junius qui négligea aussi de prendre les auspices perdit sa flotte dans une tempête et prévint par une mort volontaire l’ignominie d’une condamnation. (An de Rome 504)(Actions et paroles mémorables, Livre I, ch. IV, traduit par Pierre Constant).
En Grèce, on pratiquait l’alectromancie (ou alectryomancie) : la divination (μαντεια manteia, qui a donné “mancie”) par un coq (αλεκτρυων alectruôn).
Selon Le Livre des Superstitions (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 492), Après avoir tracé sur le sable un cercle divisé en vingt-quatre espaces égaux, chacun correspondant à une lettre de l’alphabet, on posait dans chaque case un grain de blé ou d’orge et un coq blanc au centre du cercle ; l’oracle était prononcé selon l’ordre dont il mangeait les grains. Jamblique utilisa ce procédé pour connaître le successeur de l’empereur Valens, et le coq formula “Théod” ; Valens fit mourir tous ceux qui avaient assisté à la séance et également tous ceux dont le nom commençait par les lettres fatidiques. Cela n’empêcha pas Théodose le Grand de lui succéder.
Outre son pouvoir divinatoire, le coq grec (alectruôn) avait un pouvoir magique !
C’est encore Pline l’Ancien qui écrit : On nomme alectorie une pierre trouvée dans le gésier des gallinacés. Elle a l’apparence du cristal, et est grosse comme une fève. On prétend que Milon de Crotone (célèbre athlète) la portait sur lui dans les combats, ce qui le rendait invincible (op. cit., Livre XXXVII, ch. 54 traitant des pierres précieuses).
Magique ou non, le coq était associé à plusieurs dieux olympiens.
Selon le Dictionnaire des Symboles (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 281-283), Le coq se trouvait auprès de Léto, enceinte de Zeus, lorsqu’elle accoucha d’Apollon et d’Artémis. Aussi est-il consacré à la fois à Zeus, à Léto, à Apollon et à Artémis, c’est-à-dire aux dieux solaires et aux déesses lunaires. Les Vers d’Or de Pythagore recommandent en conséquence : “Nourrissez le coq et ne l’immolez pas, car il est consacré au soleil et à la lune.” Symbole de la lumière naissante, il est cependant un attribut particulier d’Apollon, le héros du jour qui naît. Malgré le conseil attribué à Pythagore, un coq était rituellement sacrifié à Asclépios (Esculape), fils d’Apollon et dieu de la Médecine.
Dans le Phédon, le philosophe Platon mentionne que Socrate, juste avant de mourir, avait interpellé son ami Criton en ces termes : “Criton, dit-il, et ce furent ses dernières paroles, nous devons un coq à Esculape ; n’oublie pas d’acquitter cette dette” (traduction de Victor Cousin, 1822-1840).
Les interprétations de cette demande diffèrent.
Pour certains, Socrate offrait ce sacrifice en reconnaissance de sa guérison de la maladie de la vie. Le Dictionnaire des Symboles fournit une autre explication : Sans doute faut-il voir là un rôle de psychopompe attribué au coq ; il allait annoncer dans l’autre monde et y conduire l’âme du défunt ; elle ouvrirait les yeux à une nouvelle lumière, ce qui équivalait à une nouvelle naissance. Or le fils d’Apollon (Asclépios-Esculape) était précisément ce dieu qui, par ses médecines, avait opéré des résurrections sur terre, préfiguration des renaissances célestes. Ce rôle de psychopompe explique aussi que le coq soit attribué à Hermès (Mercure), le messager qui parcourt les trois niveaux du cosmos, des Enfers au ciel. Asclépios étant aussi un héros guérisseur, avant de devenir un dieu, le coq est censé guérir les maladies (op. cit.).
On n’en finirait pas d’illustrer la valeur du coq pour les Grecs !
L’apologue 5 tiré des Dialogues satiriques de Lucien de Samosate (IIè siècle de notre ère) en donne encore une image positive. Dans Le Songe ou le Coq, le savetier Micyllos veut tuer un coq qui l’a réveillé alors qu’il faisait un beau rêve de richesse. Pour lui montrer ce qu’il en est vraiment, le coq accompagne Micyllos (tous deux étant devenus invisibles grâce à des plumes magiques) chez des hommes riches, dont ils découvrent la misère et la solitude morales. C’est là une des sources de la fable intitulée Le Savetier et le Financier (VIII, 2) de Jean de La Fontaine.
Mais si les Grecs ont fait grand cas de l’animal, son nom lui-même, difficile, n’est pas beaucoup passé dans l’étymologie française. En revanche, le nom latin du coq a eu du succès.
En effet, d’après le Dictionnaire des Symboles, Le coq est connu comme emblème de fierté — ce que justifie l’allure de l’animal — et comme emblème de la France. Mais c’est une notion récente, sans valeur symbolique, fondée sur le double sens du mot gallus, coq et Gaulois … C’est l’origine du coq gaulois dont la valeur symbolique traditionnelle est quasi nulle (bien que) les caractères du coq et du Français ne so(ie)nt pas symboliquement sans rapport.
Le nom latin Gallus a effectivement plusieurs homonymes.
Il signifie “gaulois, le Gaulois”. C’est ainsi que Jules César désigne les peuples qu’il combat dans ses Commentaires sur la Guerre des Gaules. D’où le terme de “gallo-romain”. Il semblerait que le terme de “galoche” (ou chaussure gauloise) vienne également de là.
On trouve aussi Gallus, surnom d’un ami de Virgile (Bucoliques, X) ; Gallus, signifiant “Galle”, prêtre de la déesse Cybèle, cité par Ovide (Fastes, 4) ; Gallus, nom d’un fleuve de Galatie et d’un fleuve de Phrygie dont parle Pline l’Ancien (Histoire Naturelle, 5 et 31).
Enfin, et surtout, il signifie “le coq”. Le philosophe Sénèque nous a transmis ce proverbe humoristique : Gallus in sterquilinio suo plurimum potest = Le coq est roi sur son fumier (= Charbonnier est maître chez lui). Les “gallinacés” et la “gélinotte” (sorte de poule) font partie de la même famille. Pour parler d’une chose impossible, les Romains disaient : Lactis gallinacei haustum sperare = espérer boire du lait de coq (= Quand les poules auront des dents) !
Après la période gallo-romaine, au fil des siècles le coq a incarné en France divers symboles : de la Lumière, du Temps (d’où les girouettes à son effigie), du Christ, du Roi. Dans Le bestiaire médiéval (Dictionnaire historique et bibliographique, 2002, p. 57), les auteurs expliquent que l’entourage de François Ier met en scène un véritable programme politique construit sur la symbolique du coq : lucide, fier, courageux, attribut du soleil, de Mars et de Mercure, emblème générique des anciens Gaulois, le coq est l’image même du roi de France. La mythologie, l’astrologie, l’histoire et l’archéologie sont alors convoquées pour célébrer cet animal qui, au début du XVIè siècle, commence à occuper dans l’emblématique royale une place importante aux côtés de la couronne et de la fleur de lis.
De quoi être “fier comme un pou”, c’est-à-dire non pas de l’insecte, mais du jeune coq (le pullus, puis poul* prononcé autrefois “pou”, et qui a donné aussi “poulet”), et de crier en français : “Cocorico”. C’est d’ailleurs de ce cri qu’est né le mot “coq” !