Le ravissement d’Europe

Quand on parle actuellement d’Europe, on désigne le continent et/ou la communauté européenne (U.E.).

Mais c’est aussi le nom d’une héroïne de la mythologie grecque au destin exceptionnel.

Europe était une belle princesse phénicienne, fille d’Agénor, roi de Tyr.

Étymologiquement, son nom, formé d’ευρυς (eurus, vaste, large) et d’ωψ, ωπος (ops, opos, visage, front, œil), peut signifier “au large front” ou “aux grands yeux”.

Ces critères de beauté antique s’appliquaient aussi aux bovins : aux taureaux, animaux nobles consacrés à Poséidon, dieu des océans, et aux vaches, aux yeux bordés de longs cils en haut et en bas — ce qui leur donne un regard charmeur, tel celui de la déesse Héra, qualifiée par Homère de βοωπις, boôpis, c’est-à-dire “aux yeux de bœuf”, ou “aux grands yeux” !

Le dieu Zeus/Jupiter tomba amoureux d’Europe, et, pour la conquérir, à l’insu de sa femme légitime (Héra/Junon), il prit l’apparence d’un taureau blanc.

La scène de séduction est racontée par le poète latin Ovide dans ses Métamorphoses (Livre II, vers 836-875, traduit par Georges Lafaye, 1925-30). En voici un extrait, qui décrit la rencontre de la “bête” et de la belle : La fille d’Agénor s’émerveille de voir un animal si beau et qui n’a pas l’air de chercher les combats ; pourtant, malgré tant de douceur, elle craint d’abord de le toucher. Bientôt elle s’en approche, elle présente des fleurs à sa bouche d’une blancheur sans tache. Son amant est saisi de joie et, en attendant la volupté qu’il espère, il lui baise les mains ; c’est avec peine maintenant, oui avec peine, qu’il remet le reste à plus tard. Tantôt il folâtre, il bondit sur l’herbe verte, tantôt il couche son flanc de neige sur le sable fauve ; lorsqu’il a peu à peu dissipé la crainte de la jeune fille, il lui présente tantôt son poitrail pour qu’elle le flatte de la main, tantôt ses cornes pour qu’elle y enlace des guirlandes fraîches. La princesse ose même, ignorant qui la porte, s’asseoir sur le dos du taureau. Alors le dieu, quittant par degrés le terrain sec du rivage, baigne dans les premiers flots ses pieds trompeurs ; puis il s’en va plus loin et il emporte sa proie en pleine mer. La jeune fille, effrayée, se retourne vers la plage d’où il l’a enlevée ; de sa main droite elle tient une corne ; elle a posé son autre main sur la croupe ; ses vêtements, agités d’un frisson, ondulent au gré des vents.

Par cette description finale — qui serait celle d’une peinture vue par Ovide — le poète latin fournit lui-même un thème pictural. En effet, “L’enlèvement d’Europe” fut un sujet de concours dans de nombreuses académies européennes des beaux-arts, du XVIIè siècle au XXè.

En voici quelques représentations : les tableaux de Guido Reni et de César Boetius van Everdingen sont exposés au Musée des Beaux-Arts d’Ottawa (Canada).

Le tableau de François Boucher figure au Musée du Louvre (France) et celui de Noël-Nicolas Coypel, au Philadelphia Museum of Art (États-Unis).

À la suite de ce rapt, Europe se retrouva en Crète, où elle mit au monde deux (ou trois ?) fils, Minos et Rhadamanthe (et Sarpédon ?), et fut ensuite honorée comme une divinité crétoise.

Minos devint roi de Crète — île où les habitants aimaient les jeux tauromachiques (pas de corridas, mais des acrobaties sur le dos des taureaux dans une arène), île aussi qui abrita le monstre mi-homme mi-taureau, le Minotaure.

Réputés pour leur sagesse et leur sens de la justice, Minos et Rhadamanthe furent choisis comme juges des Enfers dans l’au-delà. Le taureau ravisseur devint la constellation du Taureau, dont le signe zodiacal symbolise principalement la puissance de travail et la fécondité (Dictionnaire des Symboles, coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 934).

Quant à la portion de Terre nommée Europe, d’où tire-t-elle son nom ?

On prétendait que le continent de l’Europe avait été baptisé d’après l’Europe mythique, bien qu’Hérodote (Histoires, IV, 45) ait trouvé cela invraisemblable puisque Europe venait de Phénicie et n’avait jamais pénétré sur la terre même de l’Europe. Le nom, tel que les Anciens l’utilisaient, ne correspond pas au continent moderne … (Pour les Grecs d’alors) le centre et le nord de la Russie, de même que la Scandinavie étaient des terres inconnues et fabuleuses. C’est principalement lors des premiers siècles av. et ap. J.-C. que l’exploration terrestre de l’Europe eut lieu grâce aux géographes militaires romains sous Jules César et sous les généraux de l’empereur Auguste (Dictionnaire de l’Antiquité, coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 400).

Il n’y a pas de réponse certaine à cette question.

Mais ce qui est intéressant, c’est de constater que les Grecs actuels ont donné à leur pièce de 2 € (“euro” étant l’abrégé du nom d’Europe !) l’effigie de la belle princesse et de son divin taureau !

pièce2euros

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