Le 30 juin 2015, Jupiter avait rendez-vous avec Vénus ! Je veux parler des planètes, qui se trouvaient alors en conjonction — phénomène rare en astronomie.
Nous entrons dans le mois de juillet, qui doit son nom à Jules César, mais qui était, chez les Romains, consacré au dieu Jupiter.
Sur la photo de couverture, extraite d’un tableau du peintre français Ingres (1811), on voit Jupiter en majesté, imploré par la déesse Thétis, la mère du héros grec Achille. Elle cherche à obtenir son intervention pour aider son fils lors de la Guerre de Troie.
Que d’anecdotes et d’histoires, que de représentations artistiques, que de symboles pour un même personnage, Jupiter (assimilé au Zeus grec) !
Mon propos n’est pas d’en faire un inventaire exhaustif — ce serait une gageure — mais d’évoquer quelques rencontres que j’ai faites moi-même avec le Maître de l’Olympe !
À l’origine, Jupiter était un dieu agricole, protecteur des plantes et notamment des moissons (céréales) et des vignes, c’est-à-dire du pain et du vin — nourriture symbolique de l’humanité.
Dans mon jardin pousse la barbe de Jupiter, alias la joubarbe (Jovis barba).
Pour faire pousser les plantes, il faut l’action de la pluie.
Jupiter était le dieu du Ciel et des phénomènes météorologiques et célestes. Son attribut était le foudre (au masculin, un faisceau d’éclairs) et ses surnoms en latin Iuppiter tonans, Jupiter qui tonne, et Iuppiter Fulminator, Jupiter qui foudroie.
En plus de fulminer, il peut frapper ; c’est pourquoi il figure aussi parfois avec un marteau, comme sur ce fronton d’édifice ci-dessous à Copenhague.
Selon le Dictionnaire de l’Antiquité (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 554), il était honoré aux Vinalia rurales (vendanges), le 19 août, où le flamen dialis lui offrait une jeune brebis et coupait les premiers raisins.
Le flamen dialis était le flamine de Jupiter car, étymologiquement, la racine –di– vient de la déclinaison au génitif du nom grec de Ζευς, Διος. De là également proviennent tous les jours de la semaine (qui, en français, contiennent la racine -di-), et particulièrement “jeudi”, jour de Jupiter (Jovis dies).
Le flamen dialis — pour en revenir à lui — était un des prêtres les plus importants et les plus respectés de Rome.
On le voit figurer ci-dessous (presque au centre) avec la famille impériale et d’éminents citoyens sur l’Ara Pacis, à Rome — autel que fit construire l’empereur Auguste pour célébrer la Paix, et inauguré le 4 juillet 13 avant notre ère.
De dieu rural, Jupiter est devenu le protecteur de toutes les affaires humaines, et particulièrement celui de l’État romain, au fur et à mesure de la croissance de la Ville.
On lui rendait toutes sortes de cultes, sous divers qualificatifs, dont le plus fameux est Iuppiter Optimus Maximus (Jupiter très bon et très grand) dans le temple de Jupiter Capitolin sur la colline du Capitole — symbole de pouvoir suprême.
L’invoquer sous serment ou jurer par son nom était donc fréquent.
Il en reste une expression anglaise, By Jove (par Jupiter !), chère au professeur Mortimer, personnage de B.D. que l’on voit ci-dessous dans Le Piège diabolique (Les aventures de Blake et Mortimer d’E.P. Jacobs).
L’omniprésence de Jupiter dans les affaires humaines s’explique en partie par son rôle fécondateur.
S’il est un dieu qui multiplia les aventures galantes, s’il est un dieu qui pourrait patronner l’infidélité masculine, c’est bien lui ! C’était toujours, sous un aspect ou un autre, pour connaître d’autres divinités que son épouse légitime Héra/Junon, mais surtout conquérir des femmes mortelles !
En effet, il a eu beaucoup d’enfants, dieux ou demi-dieux, comme Bacchus (qui est, dit-on, sorti de la cuisse de Jupiter) ou Héraclès/Hercule.
Il lui arriva aussi de séduire et d’enlever un jeune homme, le très beau Ganymède, pour en faire son favori et son échanson, verseur du nectar, la boisson d’immortalité !
Voici deux représentations de ce rapt, l’une vue au Musée d’Olympie (terre cuite colorée), l’autre au British Museum de Londres (sculpture symbolique de R. Westmacott) :
C’est le dieu aux nombreux rendez-vous : de ce fait, il a créé beaucoup de liens entre les Olympiens et l’humanité, entre le Ciel et la Terre.
En astronomie, par sa taille et sa position, la planète qui porte le nom de Jupiter occupe la place centrale parmi les astres qui tourbillonnent autour du Soleil. Elle est précédée par Mercure, Vénus, la Terre, Mars et les astéroïdes, et est suivie par le même nombre de corps célestes : Saturne, Uranus, Neptune, Pluton et les planètes transplutoniennes.
Quant à l’astrologie, elle lui donne un rôle à sa mesure. En français, la “jovialité” caractérise les personnes nées sous l’influence de la planète d’un dieu bon vivant ! De plus, en analogie avec cette place de choix, Jupiter incarne en astrologie le principe d’équilibre, d’autorité, d’ordre, de stabilité dans le progrès, d’abondance, de préservation de la hiérarchie établie. C’est la planète de la légalité sociale, de la richesse, de l’optimisme et de la confiance. La médecine et la jurisprudence sont ses professions privilégiées. Dans l’organisme humain, elle veille au fonctionnement de la circulation du sang et du foie (Dictionnaire des Symboles, coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 548-549)
Sur une planche de l’almanach écrit par le mathématicien et astronome afro-américain Benjamin Banneker en 1792, on peut voir une étude du corps humain en relation avec les douze constellations du zodiaque et les planètes, notamment Jupiter.
Cet ouvrage est exposé à la Peabody Library de Baltimore (États-Unis) :
Majestueux et familier, Jupiter est aussi un personnage littéraire, héros de fables de La Fontaine (qui l’appelle familièrement “Jupin”), ou de pièces de théâtre (les divers Amphitryon de Plaute, Molière, Jean Giraudoux).
En psychologie, on caractérise comme étant “jupitérien” un comportement dominateur et très autoritaire, tandis que le “complexe de Zeus” affecte les tyrans ou les autocrates qui ont tendance à monopoliser l’autorité et à détruire tout ce qui peut apparaître chez autrui comme une manifestation d’autonomie, fût-elle la plus raisonnable et la plus prometteuse (Symboles, p. 1036).
On a donc encore souvent l’occasion de rencontrer “Jupiter” de nos jours.
Mais le meilleur rendez-vous que j’ai eu avec lui a eu lieu à Tokyo, dans un salon de thé !