Portugal (septembre 2016) : Lisbonne

Je viens de passer une dizaine de jours au Portugal, où j’ai visité principalement Lisbonne ainsi que d’autres sites intéressants au Nord de cette belle capitale.

À cause du terrible tremblement de terre de 1755, il ne reste presque plus rien à Lisbonne de l’antique Lusitania. C’était le nom latin de ce territoire, qui devint une province de l’Empire romain distincte de l’Espagne, par la décision de l’empereur Auguste (au 1er siècle avant notre ère).

Cependant, au fil de mes promenades, j’y ai découvert de nombreuses références modernes à l’Antiquité gréco-latine. Voici donc quelques-unes de mes trouvailles.

Coïncidence intéressante : Lisbonne, comme Rome, est une ville construite sur sept collines ! Et, comme Rome, elle a une fondation légendaire.

En effet, au Lisboa Story Center (centre d’information touristique qui présente l’histoire de la cité), on raconte que Lisbonne tirerait son nom d’Ulysse, héros de l’Odyssée.

Dans l’épopée grecque, le personnage homérique, après avoir dérivé sur des eaux dangereuses peuplées de sirènes et de monstres redoutables, aurait abordé, guidé par des corbeaux, sur un rivage hospitalier. Il y aurait fondé une ville éponyme : Olissipo, devenue par dérivation philologique Lisbonne. C’est de cette légende que viendraient le bateau et les oiseaux qui constituent encore actuellement l’emblème de la ville.

Se réclamer d’Ulysse, héros très intelligent et courageux, c’est déjà se prévaloir d’une protection efficace. Combien est-elle plus efficace encore quand, en plus, des divinités se mettent de la partie !

J’ai rencontré, en effet, plusieurs dieux de la mythologie gréco-latine dans la ville de Lisbonne.

Comme c’est un port fluvial (en bordure du Tage) et maritime (Océan Atlantique), il reçoit tout naturellement la protection du dieu Neptune, dieu de la Mer. Et l’activité commerciale qui s’y déroule bénéficie du patronage de Mercure, dieu du Commerce.

En voici les statues (modernes) non loin du fleuve :

Le souverain des dieux olympiens, à savoir Jupiter, y est également présent, car les Portugais ont donné son nom à un arbre exotique à fleurs, répandu dans toute la ville :

À l’un des bouts de l’Avenida da Liberdade (les “Champs Élysées” locaux) s’étend la Praça (place) Marquês de Pombal.

Sur le sol, devant le colossal piédestal de la statue, on peut admirer un pavement représentant le bateau-emblème de Lisbonne — ce qui rappelle aussi l’histoire d’Ulysse :

Cette statue monumentale rend hommage au marquis de Pombal, ministre qui, sous le règne de José Ier, reconstruisit Lisbonne après le grand séisme de 1755, réorganisa l’économie, et fit, par toutes sortes de réformes, entrer véritablement le pays dans la modernité du “Siècle des Lumières”.

Son action “éclairée” lui a valu d’être représenté en compagnie de Minerve, déesse de la Sagesse, par ailleurs protectrice d’Ulysse.

L’inscription en latin (Universitas Conimbricensis) sur le fronton du temple derrière Minerve fait l’éloge du Savoir et de la Sagesse en témoignant de l’importance de l’Université de Coimbra (une des plus anciennes d’Europe) — Coimbra, ville dont l’Université résida un certain temps à Lisbonne, et dont je parlerai dans un prochain article.

Mais si ces références savantes peuvent échapper aux Lisboètes ou aux touristes de nos jours, la présence de Minerve se retrouve fréquemment, et non sans humour, dans un produit gastronomique portugais très populaire : les sardines !

sardines-portugaises

Dernier dieu gréco-latin que j’ai pu voir, Apollon figure en compagnie des Muses sur le fronton du Teatro nacional Doña Maria II, comme il est de tradition néo-classique pour un lieu consacré à la culture.

theatre-lisbonne

Outre les dieux, on rencontre également des monuments, construits au XVIIIè et au XIX è siècles mais à l’architecture inspirée du monde gréco-romain antique — à commencer par le théâtre ci-dessus érigé entre 1841 et 1846.

Le plus remarquable est sans conteste l’Arc de Triomphe (Arco do Triunfo), situé sur la Place du Commerce (Praça do Comércio), vaste esplanade (180 x 200 m) dont la construction commença sous le ministère du marquis de Pombal, qui dédia l’emplacement au commerce, pilier de l’économie :

Au sommet de l’Arc, la statue d’un souverain, “impérial” avec sa toge et des couronnes de lauriers qu’il place sur la tête de deux personnages assis.

Ce groupe surmonte une inscription en latin : Virtutibus maiorum/ Ut sit omnibus documento P.P.D. Je la traduis par : “Aux vertus des Anciens. Qu’il soit un exemple pour tous !” J’ignorais le sens de l’abréviation P.P.D., mais un des lecteurs du blog m’a indiqué que cela pouvait être mis pour Pecunia Posuit Dedicavit et signifier “Aux frais du Trésor”, et un autre lecteur Pecunia Publica Dicatum, littéralement “Dédié par la dépense publique”, donc “Donné par le Trésor public” (merci à ces fidèles lecteurs !).

Je pense que l’inscription est un hommage au roi José Ier, monarque à l’origine de ce projet urbanistique, comparé explicitement à un des Césars.

Et, pour en finir avec ce tour de ville où Antiquité et Modernité se mêlent, voici une affiche sur laquelle je suis tombée par hasard en me promenant. Elle fait la publicité d’un récent (septembre-octobre 2016) magazine d’Histoire en mettant notamment en exergue le portrait de l’empereur Auguste

publicite-lisbonne

— ce même empereur qui donna à la Lusitania, futur Portugal, son existence territoriale !

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