Flore

Avril était, pour les Romains, le mois de Vénus, car, si l’on en croit Ovide, il lui devait son nom.

Mais il était également consacré à une déesse moins connue, mais complémentaire de Vénus : Flora (Flore), déesse du Printemps, des Fleurs et de la Fertilité.

Dans les Fastes (V, vers 183-274), Ovide raconte le mythe de la nymphe grecque Chloris, alias Flore, que Zéphyr, un des Vents, tombé amoureux d’elle, poursuivit et conquit de force.

C’est Flore qui parle : Cependant Zéphyr, me donnant le titre d’épouse, a réparé son outrage et je n’émets aucune plainte à propos de mon mariage. Toujours le printemps me réjouit, toujours l’année est éclatante, toujours l’arbre est couvert de feuilles, la terre de verdure. Parmi les biens de ma dot, je possède un jardin fertile : la brise le féconde, une source d’eau limpide l’arrose. Mon époux l’a abondamment empli de fleurs et a dit : À toi, Déesse, la souveraineté sur les fleurs … Dès que les feuilles ont secoué la rosée hivernale, dès que les rayons ont réchauffé les corolles multicolores, les Heures parées de leurs robes diaprées se rassemblent et cueillent mes présents dans leurs corbeilles légères. Aussitôt surviennent les Grâces, qui tressent des couronnes et des guirlandes pour en entrelacer les chevelures des divinités. La première, j’ai répandu de par le vaste monde des semences nouvelles : avant, la Terre n’avait qu’une seule couleur (Fastes, V, vers 195-222, traduction de Maurice Nisard, 1857)

Ce mythe a été peint par Sandro Botticelli dans son tableau La Primavera (Le Printemps, 1484), où l’on retrouve des personnages cités par Ovide : les trois Grâces qui dansent une ronde, ainsi que Flore, à droite, dans les bras de Zéphyr, avec des fleurs qui lui sortent de la bouche.

D’autres artistes, comme les peintres Titien, Nicolas Poussin ou William Bouguereau ont peint des “triomphes” de Flore.

Madame Vigée-Le Brun prête même à Flore les traits de sa fille Julie dans cette huile sur toile datée de 1799.

C’est Flore qui serait à l’origine de la métamorphose de quelques héros mythologiques en fleurs, tels Attis en pin (ou en violette ?), Narcisse en narcisse et Adonis en anémone. C’est encore Flore qui aurait permis à la déesse Junon d’enfanter Mars toute seule, en la touchant avec une fleur fécondante des “champs d’Olène”. En remerciement, le dieu Mars lui accorda une place prestigieuse dans la ville de Romulus.

Il y avait donc à Rome un temple et un prêtre (le flamen floralis) consacrés à Flore, et des jeux publics, les Ludi Florales, qui se tenaient fin avril-début mai, et qui, selon le Dictionnaire de l’Antiquité, donnaient lieu à des célébrations joyeuses et licencieuses en son honneur, près du Circus Maximus. C’était un moment de liesse générale, sans guère de retenue ; les représentations théâtrales et les mimes constituaient la première partie des festivités ; le dernier jour comprenait des venationes, chasse aux animaux dans le cirque (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 419).

Guirlande florale, Thessalonique, Grèce
Guirlande florale, Thessalonique, Grèce

Généreuse donatrice de la vigne (et du vin), des oliviers (et de l’huile), des fèves et lentilles (la nourriture de base des Romains) et du miel, Flore inspirait aussi aux jeunes gens la vigueur reproductrice. Comme Vénus, elle était pourvoyeuse de vie.

Voilà pourquoi les fleurs, qui jouent un rôle dans tous les événements importants de la vie humaine, sont symboles de bonheur et de paix.

Selon Le Livre des Superstitions, diverses locutions témoignent d’ailleurs de la signification bénéfique de la fleur : ‘Couvrir quelqu’un de fleurs’, ‘Jeter des fleurs à quelqu’un’ ou encore ‘une vie semée de fleurs’ pour signifier une vie douce et heureuse. Si elles sont parfois symboles de spiritualité, elles sont plus généralement associées à l’amour et à la fertilité. Le mot ‘fleurette’ (petite fleur) signifie propos galants, et on dit ‘conter fleurette’ (du verbe ‘fleureter’, confondu avec ‘flirter’).

D’ailleurs le lexique français contient beaucoup de mots dont l’étymologie savante est flor- : floraison, inflorescence, florilège, floralies, florissant, florin (monnaie), passiflore (fleur de la Passion), Floréal (mois du calendrier révolutionnaire) etc. L’étymologie populaire (fleur-) a donné : fleurer, effleurer, fleuret (arme d’escrime avec un bouton en forme de fleur), fleuriste, fleurir, fleuri, fleuron, fleurdelisé etc.

D’autre part, l’expression “Faune et Flore” est utilisée depuis le milieu du XVIIIè siècle dans des ouvrages scientifiques (zoologie et botanique) car ils étaient rédigés en latin (langue de l’enseignement en Europe, et en France jusqu’en 1789).

“Faune et Flore” désignent respectivement le dieu Faunus (ou Pan, dieu de la Nature) et la déesse Flora.

Flore, fresque de Stabies, Naples
Flore, fresque de Stabies, Naples

Quant à Flore, elle a semé son nom à tous les vents !

Par exemple, à Paris, on trouve le Pavillon de Flore, attenant au Louvre, surmonté d’un relief du sculpteur Carpeaux, et le Café de Flore (célèbre rendez-vous des Existentialistes comme Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre).

Mais, curieusement, le logo de la marque Interflora™ (fleuristes qui font des envois internationaux) représente non pas Flore, mais Mercure, dieu du Commerce aux pieds ailés !

Interflora-logo

Est-ce pour le dire plus vite avec des fleurs ?

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