D’où vient la coutume de faire des farces le premier avril (poisson d’avril !), du moins dans certains pays occidentaux ?
Voici l’explication proposée par Éloïse Mozzani dans Le Livre des Superstitions (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 160-162) :
La coutume du poisson d’avril remonterait à l’époque de Charles IX. Le nouvel an, fêté jusqu’alors le 25 mars, donnait lieu à des échanges de cadeaux et à des festivités durant toute une semaine (jusqu’au 1er avril) ; en 1564, le roi adopta le calendrier grégorien et il fut ainsi fixé au 1er janvier. Pendant longtemps, nombre de Français continuèrent à célébrer la nouvelle année à l’ancienne mode. Pour se moquer d’eux, certains leur envoyaient des cadeaux fantaisistes et des invitations fictives. Le nom de “poisson d’avril”, donné à l’origine aux victimes de ces plaisanteries, répondait à une considération astrologique : en cette période, le soleil quittait le signe des Poissons. Pour d’autres, il fait référence à l’obligation de faire maigre pendant la semaine sainte (qui se déroulait alors fin mars-début avril). La tradition du nouvel an commençant le 1er janvier s’imposa à côté de celle du poisson d’avril qui, deux siècles plus tard, atteignit l’Angleterre et de là parvint en Amérique (où elle est surnommée “le jour des Fous”).
On constate, dans cette explication, que la formule s’est d’abord appliquée aux victimes des plaisanteries du 1er avril. D’ailleurs ce terme a, encore de nos jours, une acception péjorative dans des expressions comme faire une queue de poisson (ce qui est, pour le moins, un manque de courtoisie au volant), se terminer en queue de poisson (abruptement), ou engueuler quelqu’un comme du poisson pourri (i.e. grossièrement et fortement), ou encore changer le poisson d’eau (uriner, en argot).
Mais, hormis parfois celui “d’avril“, le “poisson” possède une valeur symbolique positive, explicable par l’étymologie.
En grec, il se disait ιχθυς (“ikthus” ou “ichthus”) et il est devenu un symbole du Christ, car ce mot pouvait être lu comme l’acronyme de “Iesu Christos Theou Uios Sôter” (Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur) — χ ki ou chi étant transcrit par CH et θ théta par TH.
D’autre part, Jésus avait fait le miracle de la multiplication des pains et des poissons ; et plusieurs de ses apôtres étaient des pêcheurs. De là, les nombreuses figurations symboliques du poisson dans les anciens monuments chrétiens, commente le Dictionnaire des Symboles (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 774).
Quant au mot “poisson”, il vient du nom latin piscis.
De là dérivent “poissonneux, poissonnier, poissonnerie”, mais aussi, dans un registre savant (gardant la racine latine), “pisciculture, pisciculteur, piscicole”, tandis que la “piscine” était, à l’origine, un bassin à poissons. Il y a aussi les mots “pêcheur, pêcher, pêcherie” etc. ainsi que “repêcher, repêchage” (sens figuré) qui viennent de “piscare” (pêcher). Le provençal “pissala” (poisson salé) a donné son nom à la “pissaladière” (pâte garnie d’anchois, oignons, olives, et quelquefois tomates) — la “pizza”, en italien !
Et, pour en revenir aux superstitions liées au “poisson d’avril”, sachez que, le 1er avril, semer du sel aux quatre coins d’un champ est un geste apotropaïque (qui détourne le malheur), et qu’offrir des poissons en chocolat porte bonheur !