La météo, c’est important ! Au Canada où je vis, on a besoin de savoir, en cette froide saison de l’année, s’il va bruiner, pleuvoir, neiger, grêler, geler, venter, faire nuageux ou soleil. La photo d’une vitre verglacée (ci-dessus) montre toute la beauté dangereuse des phénomènes météorologiques hivernaux.
En lisant un récent bulletin météo émis au Québec, j’ai été frappée par des allusions à l’Antiquité gréco-latine, qu’elles soient des emprunts linguistiques ou des références mythologiques. Je vous livre ici quelques commentaires à ce sujet.
Mais avant de commenter ce bulletin, une petite définition de ce qu’est la météo s’impose. Ce terme couramment employé est l’abrégé du nom “la météorologie”, formé de deux racines grecques. En premier, μετεωρος (météôros) signifie au sens propre “qui s’élève en l’air”; d’ailleurs, en Grèce actuelle on peut encore admirer les Météores, “lieux élevés” sur lesquels sont construits des monastères orthodoxes. La deuxième racine, λογος (logos), veut dire “discours, étude, raisonnement”. D’où le verbe μετεωρολογειν (météôrologeîn), “disserter sur les phénomènes célestes”.
Les phénomènes célestes inspiraient aux Anciens des peurs superstitieuses. Dans son grand poème didactique sur la Nature, le poète latin Lucrèce s’écrie : Quel est l’homme dont le coeur n’est pas étreint par la crainte des dieux, dont les membres ne se contractent pas d’épouvante, quand un effrayant coup de foudre embrase la terre, la fait trembler, et que les grondements du tonnerre roulent à travers le ciel ? (De Natura rerum, V, vers 1218-1221).
Il n’est donc pas étonnant que, par exemple, un verbe comme “il pleut” soit conjugué à la 3ème personne du singulier : υει (uei), en grec, pluit, en latin, avec pour sujet sous-entendu (mais parfois exprimé) Zeus/Jupiter ou bien simplement θεος (théos) un dieu. En français, nous l’appelons verbe “impersonnel”, mais ce “il” c’est quelqu’un, pour les Anciens !
(Sur la statue ci-dessous, datant du IIIè siècle de notre ère, exposée à Toulouse, le dieu Jupiter, identifié grâce à son attribut, l’aigle, tient son foudre dans la main gauche. Il était populaire aussi en Aquitaine, comme en témoigne ce buste trouvé dans la région de Bordeaux).
C’est la même chose pour l’expression “il neige”, mais chez les Grecs il y avait une nymphe de la neige (χιων, chiôn), nommée Χιονη (Chionê) — quand ce n’était pas le vent Borée lui-même (vent du Nord) qui faisait pleuvoir la neige (selon le dramaturge athénien Euripide).
Voici le début de la publication émise par Météo-Média (j’ai choisi quelques lignes seulement, pour faire un “court bulletin météo”) :
Le texte dit : Une descente d’air arctique envahit le Québec alors que le mercure chute de façon brutale. Mercredi sera la journée la plus froide de décembre avec des maximums entre 10°C et 15°C sous les normales de saison … Descente du vortex polaire ; ressentis jusqu’à -40 ; Mercredi, la journée la plus froide.
L’air “arctique” emprunte son nom à des personnages mythologiques devenus constellations : la Grande Ourse et la Petite Ourse, dont j’ai déjà raconté l’histoire.
Cet air glacial est dû à un “vortex polaire”. Passé tel quel du latin au français, le nom vortex ou vertex signifie “tourbillon” ; selon les auteurs, il peut caractériser un mouvement tournant de l’eau, du vent ou du feu. Dans le cas du vortex canadien, il s’agit d’un tourbillon d’air venu du Nord, donc très froid. C’est pourquoi, la météo indique toujours quelle température sera “ressentie” en incluant le “facteur éolien”, ou facteur-vent.
Dans l’Odyssée, Homère fait d’Éole le fils d’Hippotès, un mortel, ami des dieux, à qui Zeus donne la maîtrise des vents. Il vivait sur l’île d’Éolia. Il reçut Ulysse avec une grande hospitalité et lui donna une outre dans laquelle il avait enfermé les vents contraires à son voyage (Dictionnaire de l’Antiquité, coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 364). Malheureusement, les compagnons d’Ulysse, jaloux de ce cadeau fait à leur chef, profitèrent du sommeil de celui-ci pour ouvrir l’outre, d’où s’échappèrent tous les vents, entraînant tempête, naufrage et mort pour tous, sauf Ulysse.
Éole est un dieu civilisateur, car le vent permet aussi de mouvoir machines et instruments. Sur cette peinture de Piero di Cosimo (huile sur toile, c. 1490, exposée au Musée des beaux arts d’Ottawa), Éole est représenté en train d’actionner deux soufflets dont l’air attise le feu du forgeron Vulcain.
De même, le dieu Mercure est un dieu civilisateur, lié au commerce et aux échanges plutôt qu’à l’artisanat. On lui doit les noms du “mercure” (employé ici par métonymie pour désigner l’utilisation de ce liquide mobile et insaisissable pour marquer la température sur un thermomètre) et de “mercredi”.
Enfin les maximums (ou maxima), avoisinant des sommets de “profondeur” (aujourd’hui, il faisait -18 à l’abri du vent à 8 heures du matin), n’ont pas besoin d’être commentés. Voici une vitre qui en dit long !
Mais le bon côté de ce froid, ce sont les magnifiques “aurores boréales” visibles particulièrement en décembre et janvier dans le Grand Nord canadien.
C’est un phénomène extraordinaire, auquel, en plus du dieu-vent Borée, on peut rattacher un personnage attrayant de la mythologie gréco-romaine. En effet, la déesse Aurore (Aurora, en latin), soeur du Soleil et de la Lune, qui avait coutume d’enlever de beaux jeunes hommes, semble se donner en spectacle dans le ciel (comme sur cette peinture de Sebastiano Ricci, fin du XVIIè siècle, exposée au Museo Nacional de Bellas Artes, Buenos Aires) !
Le spectacle sera sans doute bien différent, mais j’espère avoir un jour l’occasion d’aller voir une véritable aurore boréale … si je ne suis pas congelée d’ici là !