Pendant mon séjour en Australie, je suis restée quatre jours à Melbourne. C’est trop peu pour prétendre connaître la ville, mais c’est assez pour en avoir une impression, et la mienne est très bonne !
En effet, par la rencontre de nombreuses cultures, je ne crains pas de dire de Melbourne, ville australienne en bord de mer, qu’elle est aussi une cité grecque – preuves iconographiques à l’appui !
La ville, qui deviendra Melbourne après avoir reçu différentes appellations, est située dans la vallée de la Yarra River, région occupée depuis des millénaires par des groupes aborigènes. Lorsque les Britanniques s’y sont installés, après de nombreuses tractations, la ville fondée fut appelée du nom du Premier Ministre britannique William Lamb, 2d Vicomte Melbourne, qui résidait dans le village de Melbourne (Derbyshire) en Grande-Bretagne. En 1847, la reine Victoria reconnut officiellement le nom et l’administration de la City of Melbourne.
Du fait des nombreux groupes de peuplement, l’architecture urbaine a fini par réaliser un mélange des cultures et un meeting of styles, comme proclamé sur cette peinture murale de rue.
De l’installation britannique découlent divers aspects de l’architecture victorienne, notamment le style Néo-Grec des années 1845 à 1865, pratiquement contemporain de la Gold Rush (Ruée vers l’or) qui fit se développer rapidement Melbourne entre 1850 et 1870.
De là, toutes sortes de constructions, comme, par exemple, ce bâtiment à la grecque, avec des colonnes corinthiennes et un fronton triangulaire, datant du XIXè siècle.
Ce “simili-temple” (le South Melbourne Townhall) se trouve non loin d’un immeuble (construit en 1872 et rebâti en 1891) avec une statue à son sommet, statue qui pourrait être celle de la déesse Athéna (avec sa lance), ou de Cybèle (couronnée de tours) grande déesse-mère, déesse de la Fertilité (qui) incarnait également la nature sauvage symbolisée par des lions qui l’accompagnaient (Dictionnaire de l’Antiquité, coll. Bouquins, p. 269).
Ou encore le plus haut gratte-ciel (297 m) de Melbourne, l’Eureka Tower, dont le nom, qui signifie “J’ai trouvé” en grec ancien, fut le mot du savant Archimède lorsqu’il découvrit, au IIIè siècle avant notre ère, le principe physique de “la poussée” !
Cette tour en verre, ouverte au public en 2006, porte le nom d’un mouvement de rébellion, Eureka Stockade, conflit du temps de la Ruée vers l’or qui, en 1854, opposa les mineurs et l’autorité coloniale anglaise. Ce mouvement de révolte aurait eu une grande importance pour la naissance de la démocratie en Australie. La tour symbolise cet événement par la présence à son sommet de panneaux dorés (l’or) et d’une bande rouge (le sang versé).
Après la Grande Guerre (1914-1918), où servirent de nombreux Australiens, le Shrine of Remembrance (Sanctuaire du Souvenir), inauguré en 1934, fut construit dans un style classique, inspiré de monuments antiques comme le Parthénon d’Athènes et le Mausolée d‘Halicarnasse.
D’autre part, dans la période qui suivit la Seconde Guerre Mondiale, un grand nombre de Grecs quittèrent leur pays pour s’établir en Australie, notamment à Melbourne. Cette importante vague d’immigration en fait la 3ème ville grecque du monde, après Athènes (environ 665 000 habitants intra muros en 2011) et Thessalonique (environ 323 000 hbts en 2011). Selon le Social Atlas for Melbourne, plus de 150 000 personnes nées en Grèce habitent Melbourne, et le grec (moderne) est la 3ème langue parlée dans la ville (chiffres de 2011). Il n’est pas étonnant alors que l’on puisse voir des “traces” de grec un peu partout !
Voici d’abord, au fil des rues, ma rencontre avec un hôtel au nom grec “Atlantis” (l’Atlantide) et l’affiche d’un film dont le héros au nom pseudo-latin est un émule du dieu de la Mer, Poséidon, avec son trident.
Et, dans le Queen Victoria Market, le plus grand marché couvert de l’hémisphère Sud, deux trouvailles amusantes : un chariot “Calypso”, du nom de la séduisante nymphe qui retint Ulysse loin de ses chères Pénélope (épouse) et Ithaque (île natale) dans l’Odyssée (chant V), ainsi qu’une paire de chaussettes à l’effigie de la déesse Aphrodite/Vénus, plus botticellienne qu’antique !
Bien sûr, dans la National Gallery of Victoria, j’ai pu voir des artefacts antiques, dont la plus belle collection de vases grecs et d’Italie du Sud en Australie, selon la notice de ce magnifique musée de Melbourne.
Ne pouvant tout publier, j’ai choisi deux artefacts différents : une coupe attique à figures rouges représentant des musiciens et datant du Vè siècle avant notre ère, ainsi que des pièces de monnaie à l’effigie d’Athéna et de Pégase.
C’est bien peu, comparé à la collection, mais j’ai réservé pour la fin ma visite au Hellenic Museum (fondé en 2007), qui expose la Grèce, antique et moderne.
Après les affiches de la façade, les statues et colonnes du hall d’entrée du musée créent une atmosphère grecque.
Ensuite, j’ai rencontré des déesses : Athéna (copie en argile de la statue de Phidias dans le Parthénon, fin du Vè siècle avant notre ère), Aphrodite (bronze du Ier siècle de notre ère) et Cybèle flanquée de lions (marbre hellénistique du IIIè siècle).
J’ai vu aussi des dieux : Zeus et son aigle (argile, IIè s.) et Héphaïstos avec sa double hache (marbre romain, IIè s.).
Cependant, en Grèce antique, tout n’était pas qu’affaire de dieux ! On trouve aussi dans ce musée des vases représentant des scènes de la vie quotidienne des simples mortels. Tels ces jeunes gens lors d’un rendez-vous amoureux (c’est le canard entre eux, emblème d’Aphrodite, qui l’indique !) et ces femmes en conversation apparemment détendue (hydrie, IVè s. av. notre ère).
Au Hellenic Museum l’Antiquité est certes à l’honneur, mais on promeut également la Modernité, notamment avec gravures, livres et revues. Ainsi, par exemple, un exemplaire des Vies parallèles de Plutarque (imprimé à Paris en 1809) et un magazine de mode témoignant de l’influence du drapé grec sur la Haute Couture.
Je n’ai donné ici qu’un échantillon des trésors de ce musée, mais je ne saurais en oublier la plus belle pièce, une couronne de myrte en or, trouvée dans une tombe où elle ceignait la tête du défunt. Ce qui symbolise l’idée que le mort méritait une vie éternelle, en bonne compagnie puisque le myrte est associé à Aphrodite, Déméter et Perséphone.
Pour finir, je n’ai pas quitté ce superbe musée de Melbourne sans aller prendre un repas grec sur les pelouses qui l’entourent, un endroit agréable au soleil et à l’ombre des parasols, baptisé Grounds of Arcadia (les Jardins d’Arcadie), une sorte de “paradis”.
J’y ai bu une bière grecque, Mythos, qui m’a bien plu.
Mais ne croyez pas pour autant que je sois devenue “mythomane” ! Tout ce que je viens d’écrire est vrai, et je vous laisse juger si Melbourne est bien une cité grecque !