Le 15 mars, ides de mars, à Rome, en 44 avant notre ère, ce fut le jour de l’assassinat de Jules César, donc Le dernier jour de César.
J’ai déjà évoqué la popularité du nom de César dans l’article intitulé Jules César et compagnie, ainsi que la raison pour laquelle le divin Jules a donné son nom au mois de juillet dans l’article Juillet comme Julius.
Ici, je voudrais juste rappeler quelques détails sur la mort de César à partir d’une représentation picturale intéressante et originale.
Au Musée des Beaux-Arts d’Ottawa (Canada) j’ai trouvé un tableau italien datant de la fin du XVè siècle.
Exécuté par le Maître de Marradi, artiste actif à Florence, il porte deux titres et représente Le dernier jour de César, lorsque César se rend au Sénat.
Comme il était d’usage au Moyen Âge, le peintre a représenté plusieurs péripéties simultanément sur le même panneau.
Voilà pourquoi l’on retrouve deux fois deux personnages importants. L’un est Jules César, vêtu d’une longue robe rose ceinturée et d’une cape rose foncé, et coiffé d’un chapeau rose foncé aussi (ou rouge) bordé de noir. L’autre est Brutus, son fils adoptif, habillé presque comme César, mais avec une cape de couleur jaune orangé — couleur symbolisant la traîtrise, dans les représentations médiévales.
Les costumes des personnages sont contemporains du peintre, notamment les chapeaux, les hauts de chausses et les souliers, et en même temps “à l’antique” (effet de toge drapée).
Le paysage urbain, censé représenter Rome, contient des éléments architecturaux réels et imaginaires, donc des anachronismes par rapport à l’époque de César.
De plus, les personnages que l’on aperçoit à l’arrière-plan ne participent peut-être pas à la tragédie.
Pour le public moderne, il n’est pas facile de comprendre comment s’enchaînent les épisodes sur cette peinture.
Mais si l’on se réfère à l’ordre des événements relatés par l’historien grec Plutarque, c’est la scène de droite, légèrement en avant, qui est la première péripétie.
On voit César, dans la rue, se penchant pour prendre le message que lui donne le philosophe grec Artemidore de Cnide, professeur à Rome. Celui-ci, qui a eu vent du complot fomenté par Brutus et Cassius, a cherché à prévenir du danger l’homme d’État. En vain. Car César, entouré par une foule habituelle de solliciteurs de faveurs et autres grâces, ne peut s’isoler pour lire l’avertissement.
La deuxième péripétie se trouve dans la partie gauche du panneau, légèrement en arrière. Les écrivains latins Valère Maxime et Suétone rapportent cette scène, sans certitude sur le lieu où elle s’est passée : dans le Sénat ou en dehors ?
Devant la statue d’Apollon, située dans une sorte de niche dans un temple, César rencontre le devin Spurina. Il avait averti Jules César de se tenir sur ses gardes en lui représentant comme marqués par le destin les trente jours qui allaient suivre et dont le dernier tombait aux ides de mars (15 mars). Dans la matinée de ce jour, comme un devoir de politesse les avait par hasard amenés tous les deux chez Calvinus Domitius, César dit à Spurina : Eh bien ! sais-tu bien que nous sommes aujourd’hui aux ides de mars ? — Eh bien, reprit Spurina, sais-tu bien qu’elles ne sont pas encore passées ? L’un avait banni la crainte en voyant le terme de l’époque suspecte ; l’autre pensait que le dernier instant même pouvait recéler le péril. (Valère Maxime Actions et paroles mémorables, Livre VIII, ch. XI, traduction de P. Constant, Librairie Garnier, Paris).
Ce devin, réputé très habile car pratiquant toutes les sortes de divinations connues des Romains (ornithomancie, examen des entrailles d’animaux sacrifiés etc.), atteste que son pouvoir de prophétie lui vient du dieu Apollon, dieu de la divination, en désignant sa statue devant César. D’ailleurs l’artiste a voulu symboliser la sagesse de Spurina en lui faisant une longue barbe.
Spurina avait raison ! La suite des événements le prouvera.
Au centre du panneau on voit Brutus qui, d’une part, se désigne de son doigt pointé sur la poitrine et qui, d’autre part, prend la tête des conjurés, parmi lesquels beaucoup de sénateurs, qui se regroupent autour de lui. Bientôt, ils vont porter chacun un coup de poignard (23 en tout) à César.
Et celui-ci, frappé à l’aine par Brutus après tous les autres, ne peut en croire ses yeux quand il le voit ; il s’écrie, en grec : Καì συ τεκνον (kaï su teknon) Et toi aussi, mon enfant ? — et non pas, comme il est communément enseigné (ça permet de revoir des règles grammaticales !), en latin : Tu quoque, mi fili !
Cette dernière scène ne figure pas sur ce panneau, mais sur un autre (qui n’est pas au Musée d’Ottawa) où sont représentés le meurtre et les funérailles de César.