Pharmakon : remède ? poison ?

Origine étymologique des mots anglais “pharmaceutical, pharmacist, pharmacological, pharmacologist etc. ” ainsi que des mots français “pharmacie, pharmacien, pharmacopée, pharmaceutique, pharmacologie etc.”, le nom grec φαρμακον (pharmakon) est polysémique.

Selon le Vocabulaire grec de J. Saunier (éditions de Gigord), il signifie :

1- Philtre ou charme magique, 2- Drogue, 3- Remède ou Poison.

Dans l’Antiquité gréco-romaine, malgré les découvertes rationnelles d’Hippocrate (Vè siècle avant notre ère) et de Galien (IIè siècle de notre ère), la médecine est presque toujours liée avec la religion et la magie, et le pharmakon est ambivalent : positif et négatif.

Le dieu de la médecine, le Grec Asclépios (Esculape, en latin) a pour emblème le caducée, bâton autour duquel s’enroule un serpent. Tandis que le caducée du dieu Hermès (Mercure) est une baguette autour de laquelle s’enroulent en sens inverse deux serpents (Dictionnaire des Symboles, coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 153).

Si Asclépios est devenu dieu de la médecine, c’est parce qu’il savait utiliser les poisons (venenum, en latin) pour guérir les malades et ressusciter les morts. C’est toute l’aventure de la médecine qui se résume dans le caducée : la véritable guérison, la véritable résurrection, sont celles de l’âme (ibid. p. 155).

Ce qui est l’aspect bénéfique et positif du venin/pharmakon.

Dans la littérature/mythologie antique, la magicienne (pharmakis, en grec) Médée pratiquait la magie noire avec des formules et divers accessoires magiques. Parmi eux, des herbes du Pont, une coupe de vin, du venin de serpent, du sel et du soufre, comme le recensent des auteurs tels que Virgile (Bucoliques, VIII) ou Lucien de Samosate (Dialogues des Courtisanes, IV).

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Dans le tableau (ci-dessus) intitulé Vision of Medea, 1808, huile sur toile exposée à la Tate Britain (Londres, Royaume-Uni), J. M. William Turner peint Médée en train de proférer des incantations et de fabriquer des poisons avec des herbes, une coupe et un serpent — accessoires magiques.

Comme c’est de la magie noire (au service du Mal), l’aspect du venin/pharmakon est ici négatif.

Le philosophe grec Épicure (IVè-IIIè siècles avant notre ère), fondateur de l’épicurisme, est une sorte de médecin de l’âme car, dans sa Lettre à Ménécée, il propose un quadruple remède, appelé tétrapharmakos, dont voici un résumé : Il n’y a rien à craindre de Dieu, rien à ressentir dans la mort ; le bien est atteignable, le mal est supportable (Dictionnaire de l’Antiquité, coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 370).

Voilà encore un aspect positif du pharmakon.

Mais ce pharmakon, existe-t-il dans notre monde actuel ?

Philosophiquement, le concept désigne toute invention ambivalente qui comble un besoin mais crée aussi une dépendance. Ainsi le définit Philosophie Magazine (novembre 2013, p. 14), en donnant pour exemple de pharmakon moderne la controversée cigarette électronique, censée remplacer le tabac, mais créant d’autres types de fumeurs.

En Grèce moderne les termes ont peu changé puisque la pharmacie (boutique) se dit “pharmakeio”, et le remède, “to pharmako”.

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Pharmacie à Athènes (2013)

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