Parilia, ou les fêtes de Palès

Le 21 avril, mois consacré à Vénus — déesse de l’Amour et protectrice de la Fertilité — les anciens Romains célébraient à la fois la date de la fondation (légendaire) de Rome et les Parilia, fête de Palès.

Qui était Palès, et quel culte lui rendait-on ?

Le Dictionnaire de l’Antiquité (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 713) indique que dans la religion romaine, c’était une divinité des troupeaux et des bergers, semblable à Pan chez les Grecs, masculine selon Varron et d’autres, féminine selon Virgile et Ovide.

Berger, Musée Walters, Baltimore

Varron le mentionne dans son traité sur l’agriculture (De re rustica), tandis que Virgile en fait une déesse pastorale dans les Bucoliques, et Ovide décrit longuement le culte de cette déesse dans les Fastes.

Son nom, Palès (Pales, en latin), serait relié au Mont Palatin (Palatinus Mons), dont elle est la protectrice. C’est peut-être pour cela que la fête des Parilia était célébrée en même temps que “l’anniversaire” de Rome. La tradition place l’établissement originel de la ville de Rome sur le Palatin, la principale des sept collines de Rome et traditionnellement le site du premier établissement romain (ibid.).

En fait, on ne sait pas grand chose sur cette divinité, mais grâce à Ovide, qui d’ailleurs croyait que les Parilia étaient plus anciennes que Rome elle-même, on a une description détaillée (et poétique) de son culte dans le chant IV des Fastes (vers 721-806, traduction de M. Nisard, Paris, 1857). 

Après avoir invoqué la déesse Palès, le poète s’adresse aux Romains : Peuple, va chercher à l’autel virginal les offrandes expiatoires ; Vesta te les donnera ; tu seras purifié par ces présents de Vesta … Berger, répands l’eau lustrale sur tes brebis repues, aux premières lueurs du crépuscule. Que l’eau arrose d’abord la terre, et qu’une branche d’arbre la balaie. Ornez les bergeries de rameaux et de feuillages ; que les portes soient ombragées et décorées d’une longue guirlande. Que le soufre vierge jette une flamme azurée ; que la fumée arrivant jusqu’à la brebis provoque ses bêlements. Brûle l’olivier mâle ; que le laurier pétille, en se consumant au milieu du foyer …

Sacrifice, Palazzo Massimo, Rome

En premier lieu, Ovide décrit une cérémonie de sacrifice non sanglant, c’est-à-dire où aucune victime animale n’est tuée — comme sur le relief de marbre ci-dessus. Ce sacrifice comprend des libations (l’eau arrose d’abord la terre), elles-mêmes suivies de plusieurs formes de purification : répands l’eau lustrale sur tes brebis, Que le soufre vierge jette une flamme azurée ; que la fumée arriv(e) jusqu’à la brebis (pour la purifier)

En effet, dans le monde antique non christianisé, le soufre chasse les démons plus efficacement que le feu (Le Livre des Superstitions, coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 1667).

Le sacrifice à Palès comprend également des offrandes : que la corbeille tressée avec le millet accompagne les gâteaux de millet ; c’est là le mets favori de la déesse rustique. Ajoutez-y les aliments consacrés et le lait qu’on vient de traire. Divisez les aliments, offrez le lait tiède encore, et invoquez Palès, qui se plaît dans les forêts.

Le pain (ou gâteau de millet) et le lait des brebis sont la nourriture quotidienne des bergers ; c’est aussi celle que préfère la déesse !

Mosaïque romaine représentant un pain

En second lieu, le poète prête momentanément la parole au berger, qui adresse une prière à Palès. Puis Ovide évoque d’autres rites que le berger doit accomplir après le sacrifice et la prière : Alors, tu peux boire le lait blanc comme la neige, et le vin cuit à la teinte empourprée. Ensuite fais passer rapidement tes membres vigoureux à travers les amas embrasés de la paille qui pétille.

Il s’agit donc ici, pour le berger, de sauter par-dessus un feu. Pourquoi ?

À cette question, Ovide répond : J’ai rappelé l’usage, il me reste à en exposer les raisons, mais elles sont si nombreuses que j’hésite, et ne sais par où commencer. Et il écrit une vingtaine de vers pour énumérer plusieurs raisons — dont la principale me semble être celle-ci : Le feu dévorant purifie tout ; il sépare des métaux leurs parties grossières ; c’est pour cela que les brebis et le berger s’en servent pour se purifier.

Ces rites de purification ou de fertilisation par le feu sont caractéristiques de cultures agraires — ce qui était le cas dans la Rome des origines. Lorsque Romulus choisit l’emplacement de la Ville éternelle, il fait un sacrifice : ses compagnons, rangés autour de lui, allument un feu de broussailles — le buisson ardent — et chacun saute à travers la flamme légère. Il faut que le peuple soit pur, et, comme nous disons encore aujourd’hui, le feu purifie tout (Superstitions, p. 729).

Dans notre monde moderne, la coutume des feux de la Saint-Jean (24 juin), encore vivace au Québec, commémore le souvenir de feux qu’on allumait autrefois dans les campagnes au moment du solstice d’été. Et dans toute l’Europe, les feux de joie, notamment ceux du 1er mai ou du 24 juin, devaient préserver des épidémies, des famines, des maléfices, des maladies, et autres calamités. Les jeunes gens sautaient à travers les flammes purifiantes pour attirer chance et protection ; le bétail était passé au-dessus des cendres (ibid. p. 732).

Pour en revenir à la fête de Palès, la journée des Parilia se terminait par des feux et un festin : l’offrande pouvait être partagée entre dieux et hommes au cours d’un banquet commun (Antiquité, p. 891).

Qui dit “banquet” dit “vin et bonne chère”, du moins chez les riches Romains de la Ville. Quant aux fidèles de Palès, les bergers, Ovide écrit qu’il buvaient du lait et de l’eau pure. Peut-être goûtaient-ils aussi aux grands gâteaux qu’ils avaient offerts à la divinité ?

 

 

 

 

 

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