Pan, amour et flûte

Le 15 février, à Rome, avait lieu la fête des Lupercales (Lupercalia), à l’origine une fête de bergers, protégés par le dieu latin Faunus, alias Lupercus, qui écartait les loups (lupi) des troupeaux, nous apprend le Dictionnaire de l’AntiquitéFaunus, dieu rustique et devin, était la version latine du dieu grec Pan.

Pan, fils d’Hermès (Mercure, en latin), était un dieu mi-homme mi-bouc, exubérant et joyeux, mais très laid.

Dieu des bergers-chevriers, et compagnon des satyres et des faunes — autres créatures caprines et réputées lubriques comme lui —, il vivait dans des endroits sauvages et déserts de Grèce. Il aimait y jouer de la musique et faire du bruit ; c’est pourquoi les sons entendus la nuit dans ces lieux solitaires produisaient des peurs paniques !

Souvent amoureux des jolies nymphes des bois, il se faisait toujours éconduire, du fait de sa laideur.

Comme on n’est pas loin du 14 février et de la Saint-Valentin, voici une des histoires d’amour de Pan, racontée par le poète latin Ovide dans le Livre I des Métamorphoses.

C’est une histoire dans l’histoire, car le poète fait parler le dieu Mercure. Il y avait une Naïade que les nymphes appelaient Syrinx. Bien des fois elle avait échappé aux poursuites des satyres et de tous les dieux qui habitent les forêts ombreuses et les campagnes fertiles. Elle était vouée par ses goûts et par sa virginité même au culte de la déesse d’Ortygie (Diane)… Elle revenait de la colline du Lycée, lorsque Pan l’aperçoit ; la tête couronnée du feuillage aigu du pin, il lui tient ce discours … Insensible à ses prières, la nymphe s’enfuit à travers champs jusqu’à ce qu’elle arrivât aux eaux paisibles du Ladon sablonneux ; là, arrêtée dans sa course par les ondes, elle avait supplié ses fluides sœurs de la métamorphoser ; à l’instant où Pan croyait déjà saisir Syrinx, au lieu du corps de la nymphe, il n’avait tenu dans ses bras que des roseaux de marais ; tandis qu’il exhalait ses soupirs, l’air agité à travers leurs chalumeaux avait produit un son léger, semblable à une plainte ; le dieu, charmé par cette découverte et par ces sons mélodieux, s’était écrié : “Voilà qui me permettra de m’entretenir avec toi à tout jamais.” Et c’est ainsi qu’en rapprochant des roseaux de longueur inégale, joints avec de la cire, il avait conservé le nom de la nymphe (traduction de Georges Lafaye, éd. Folio Classique Gallimard, 2004).

Le peintre français Jean-François de Troy a peint le tableau Pan et Syrinx en 1733, qui est exposé au Musée des Beaux Arts d’Ottawa.

L’artiste a représenté l’instant fatidique où Pan est sur le point d’attraper Syrinx.

Celle-ci s’est réfugiée dans les bras de son père, le dieu-fleuve Ladon, qui la métamorphose : elle devient les roseaux que Pan étreint.

À son tour, celui-ci métamorphose les roseaux en un instrument de musique formé de sept tuyaux d’inégale longueur : la flûte de Pan.

Et finalement il s’approprie l’avatar de la nymphe, qui conquiert par lui l’immortalité !

En effet, en grec le nom Συριγξ (Syrinx) désigne d’abord la tige creuse d’un roseau, puis la flûte de Pan. Comme très souvent, chez Ovide, il s’agit là d’un mythe étiologique (de αιτíα aïtia, la cause) pour expliquer l’origine de quelque chose : ici, l’instrument de musique.

Voici une autre représentation de l’histoire (tableau de Boetius van Everdingen exposé au Rikjmuseum d’Amsterdam), qui donne plus d’importance à la jeune fille (représentée comme une Diane-chasseresse), mais montre aussi des roseaux :

pan-et-syrinx-b-van-everdingen-amsterdam

Quant à Pan (du grec Παν, qui veut dire “tout”), outre le mot “panique”, il a donné le préfixe pan- qui s’emploie pour désigner une totalité, comme dans : panacée (remède universel), Panathénées (fêtes données autrefois en l’honneur de la déesse Athéna et rassemblant toute la cité d’Athènes), pandémie (épidémie qui atteint beaucoup de gens), panoplie (originellement, ensemble de l’armure d’un soldat), panorama (vaste paysage que l’on peut regarder de tous les côtés), panafricain, paneuropéen, pancanadien (on peut l’utiliser avec tous les continents et pays), panthéisme (idée métaphysique selon laquelle Dieu est dans toute la nature), panthéon (temple de tous les dieux), pantomime (mimer avec tout le corps), Panamerican Airways (compagnie aérienne qui circule dans tous les États-Unis) etc.

Mais il n’a pas donné le signal du départ de la course à pied des athlètes dans Astérix aux jeux olympiques (p. 39 et 46) : ça, c’est de l’humour à la René Goscinny !

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