En ce 8 mars, Journée Internationale des Femmes, voici des anecdotes mettant en valeur la femme romaine, les vertus de quelques Romaines de l’Antiquité qui ont suscité l’admiration de leurs contemporains et de la postérité.
Étant donné la diversité des histoires rapportées, je propose un classement par ordre alphabétique de ces femmes remarquables, parfois peu connues.
Arria : Au premier siècle de notre ère, Pline le Jeune, écrivant à son ami Nepos, raconte la vie et la mort héroïques d’Arria, femme de Cæcina Pætus (ou Pœtus). Il justifie ce récit par cette remarque préliminaire : J’avais toujours cru qu’entre les actions et les paroles des hommes et des femmes illustres, quelques-unes avaient plus de célébrité que de véritable grandeur, d’autres plus de grandeur que de célébrité.
Il raconte d’abord que le mari et le fils de cette Romaine étant gravement malades, le second mourut ; mais Arria eut la force de cacher ce deuil à son mari pour le ménager. Plus tard, ayant pris les armes contre l’empereur Claude, Pœtus fut arrêté en Illyrie et emmené à Rome en bateau. Malgré ses prières, Arria ne put embarquer avec lui, mais, dit Pline, elle loue une barque de pêcheurs, et, dans un si petit bâtiment, se met à la suite d’un gros vaisseau. À Rome, lorsque son mari fut condamné, pour l’encourager à mourir, elle accomplit l’action qui la rendra légendaire : Quoi de plus glorieux que de prendre un poignard, que de l’enfoncer dans son sein, que de l’en tirer tout sanglant, et de la même main le présenter à son mari avec ces paroles divines : Pœtus, cela ne fait pas mal (Lettres, III, XVI ; traduction, en italiques, de Maurice Nisard, 1865).
Clœlia (Clélie) : Une autre Romaine exceptionnelle, et ce, toute jeune.
Selon le Dictionnaire de l’Antiquité, Clélie fut l’un des otages livrés au roi étrusque Porsenna lors de sa guerre contre la jeune République (501 av. J.-C.). Clélie s’échappa en traversant le Tibre à la nage, mais les Romains furent obligés de la rendre à Porsenna ; toutefois, impressionné par sa bravoure, Porsenna la libéra avec certains de ses compagnons, et ce geste marqua le début de la réconciliation entre les deux adversaires. Les Romains lui érigèrent une statue équestre sur la Voie Sacrée (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 227-228).
Cornelia (Cornélie) : Selon le Dictionnaire des femmes célèbres (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 204), Romaine (de 189 av. J.-C. à 110 av. J.-C.). Fille de Scipion l’Africain, elle épousa un magistrat, Tiberius Sempronius Gracchus, auquel elle donna douze enfants. Trois survécurent : Sempronia et deux fils, Tiberius et Caïus, les futurs Gracques, célèbres pour s’être opposés à l’aristocratie sénatoriale en faisant voter des lois agraires favorables au peuple. Veuve en 154, Cornelia refusa la couronne d’Égypte que lui promettait Ptolémée VIII Évergète, préférant se consacrer entièrement à l’éducation de ses enfants. Elle les soutint dans leurs tentatives réformatrices et eut la douleur de les voir disparaître (assassinés) … Elle resta pour les Romains la plus illustre des matrones, le symbole même de la mère vertueuse et responsable.
L’historien (et moraliste) Valère Maxime rapporte cette anecdote à son sujet : Les plus beaux ornements d’une mère de famille, ce sont ses enfants … Une mère de famille campanienne, que recevait Cornélie, mère des Gracques, lui montrait ses bijoux qui étaient les plus beaux de cette époque. Cornélie la retint en prolongeant l’entretien jusqu’au retour de ses enfants de l’école. “Voici, dit-elle, mes bijoux à moi.” Et elle avait raison de mépriser les vaines richesses (Actions et paroles mémorables, Livre IV, ch. IV ; traduction, en italiques, de P. Constant, Classiques Garnier).
Lucretia (Lucrèce) : Après l’historien Tite-Live, Valère Maxime rapporte la tragédie de cette Romaine, modèle de vertu, qui, après avoir été violée, se suicida en 510 avant notre ère, en adressant ces mots à son père et à son mari : Mon corps est souillé, mais mon âme est intacte ; ma mort va le prouver.
En tête des exemples de pudeur pris parmi les Romains se présente Lucrèce, dont l’âme virile fut, par une ironie du sort, unie à un corps de femme. Après avoir subi la violence de Sextus Tarquin, fils du roi Tarquin le Superbe, elle se plaignit avec véhémence, au milieu de ses proches assemblés, de l’outrage qu’elle venait de recevoir et elle se frappa d’un poignard qu’elle avait secrètement apporté sous sa robe. Sa mort héroïque fournit au peuple romain l’occasion de substituer le pouvoir consulaire à l’autorité royale (op. cit. VI, I ; traduction de P. Constant).
Cet événement, qui déclencha à Rome l’expulsion des rois et la fondation de la République, est le thème de plusieurs œuvres artistiques, dont le poème Le Viol de Lucrèce de Shakespeare (1594), des tableaux de Rubens, Titien, Tintoret, Cranach, Dürer, Véronèse, Rembrandt etc., et d’une sculpture de marbre (un peu endommagée) attribuée à l’artiste italien Giovanni Maria Mosca (c. 1550).
Bien sûr, cette liste de Romaines illustres n’est pas exhaustive ! Et, par ailleurs, à côté de quelques personnalités sortant de l’ordinaire, il y a également nombre de femmes obscures, tenues dans la dépendance de leur mari ou famille. Bien des histoires rapportées par le même Valère Maxime, par exemple, en témoignent.
Pour en finir momentanément, rappelons que l’expression “Bon comme la Romaine” ne vient nullement des exploits de ces femmes de l’Antiquité dotées de qualités hors du commun. Entrée dans la cuisine puis dans la langue française au XVIè siècle, elle évoque la saveur délicieuse de la laitue romaine … et, par un curieux glissement de sens, a fini par désigner péjorativement et ironiquement une personne débonnaire, bonne jusqu’à l’extrême faiblesse, facile à duper.