“Cave canem !” et autres maximes latines

À l’instar de “Cave canem !”, dans la Rome moderne, les boutiques de souvenirs pour touristes regorgent de toutes sortes d’inscriptions latines, qui figurent sur des statuettes, des torchons, des tabliers de cuisine, des “magnets” à mettre sur le réfrigérateur etc.

Voici quelques mots d’explication sur ces citations plus ou moins connues.

Cave canem !” (“Attention au chien !”) figurait à l’entrée des maisons.

L’exemplaire le plus célèbre, dont on voit une reproduction à droite sur la photo de couverture, est celui qui a été retrouvé à Pompéi dans la Maison du Poète tragique.

Dans son roman intitulé Satyricon, Pétrone, auteur latin du Ier siècle, mentionne une fresque représentant un gros chien enchaîné, avec les mots Cave canem ! La fresque étant située à l’entrée de la demeure de Trimalcion — un riche parvenu qui donne chez lui un mémorable banquet — l’animal peint terrifie un des invités au point qu’il faillit (se) rompre les cuisses en tombant lors de son arrivée!

Cave est l’impératif du verbe cavere qui signifie “prendre garde, faire attention”. Ce même verbe a également une forme verbale (le supin) cautum, dont dérivent plusieurs mots : caution (“attention !”, en anglais), une caution (somme déposée pour garantir un bail — le propriétaire est prudent !), cautionner, un cautionnement, une précaution, la cautèle (notion péjorative : prudence rusée proche de la sournoiserie), cauteleux (adjectif formé sur le nom précédent) etc.

On peut constater que l’avertissement “Prenez garde au chien !” ou “Chien méchant !” s’affiche encore sur des portails modernes. C’est que le caractère dissuasif de l’ancien Cave canem ! a fait ses preuves.

Proverbes latins-3

Errare humanum est” (“Il est humain de se tromper”) est une maxime encore utilisée telle quelle.

Dans la tradition chrétienne, elle est complétée par “perseverare diabolicum” ( = “mais persister dans l’erreur” — c’est-à-dire le péché — “est l’œuvre du diable”). L’absence de lien grammatical entre les deux propositions crée une opposition.

Errare est l’infinitif du verbe erro, as, are, qui veut dire “errer”. Ce terme a un sens plutôt positif en ancien français et signifie “voyager”. Il a donné les mots : une errance, le Juif errant, erratique (qui change de place), une erre (“aller grand’erre” se dit d’un bateau qui file à vive allure). Mais il a aussi un sens négatif, car il équivaut à “s’égarer”, et il est contaminé par le sens généralement péjoratif du mot “erreur” qui en dérive également. En proviennent  donc des termes relatifs à la notion de faute, comme : un erratum (ou faute d’impression — mot latin passé en français, pluriel : des errata), des errementserroné, erronément.

L’humoriste français Pierre Desproges s’est amusé à transformer la graphie et le sens de cette maxime. Pour lui, “Eggare humanum est” se traduit par “Je suis garé devant la gare de l’Est”, et s’explique ainsi : “S’utilise pour signifier qu’on est dans l’inquiétude” (Dictionnaire superflu à l’usage de l’élite et des bien nantis, Éditions du Seuil, coll. Points, 1997). Sans doute la crainte d’une contravention  et d’une amende !

Ex ungue leonem” (“On reconnaît le lion à sa griffe”) est un adage qui s’applique surtout dans le domaine artistique.

Il signifie que toute œuvre porte la “patte”, la “griffe” de celui ou celle qui l’a créée, et que, normalement, on devrait identifier ce créateur grâce à cela. D’ailleurs on parle encore de nos jours de la “griffe” d’un couturier, de la “patte” d’un artiste — ce que les faussaires et imitateurs de tout poil essaient de copier.

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