Universelle Vénus

Avril est le mois de Vénus — de là d’ailleurs vient son nom — et c’est un mois du printemps dans l’hémisphère Nord.

Récemment, en me promenant dans mon quartier, la neige ayant fondu j’ai remarqué quelques maisons ornées de statues. Non pas des “nains de jardin”, mais des “vénus”, populaires dans beaucoup d’endroits du monde !

Qu’est-ce qu’une “vénus” (nom commun) ?

Le Petit Robert en donne trois définitions : d’abord, une femme d’une grande beauté, puis, en zoologie, un mollusque à coquille arrondie, et enfin une statue supposée représenter une déesse, une représentation de la déesse Vénus.

Ces définitions, liées à l’histoire ou à la personnalité de la déesse Vénus, s’incarnent dans de nombreuses œuvres artistiques. C’est donc à un voyage à travers le temps et l’espace que mes photos vous emmèneront. De l’Argentine au Japon, en passant par les États-Unis, le Canada, et divers pays d’Europe, voici Vénus, l’universelle !

Vénus, indique le Dictionnaire de l’Antiquité (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 1037-1038), est une ancienne divinité italique assurant à l’origine la fertilité des plantes des potagers. Très tôt elle fut assimilée à la déesse grecque Aphrodite, déesse de l’Amour dont elle prit les caractéristiques et attributs … À partir du 1er siècle, son culte fut développé par les hommes d’État et empereurs de la ‘gens Julia’ (de César à Néron) qui faisaient remonter l’origine de leur famille à Énée, fils d’Anchise et de Vénus, par son fils Iule Lucrèce consacra à Vénus le début du ‘De natura rerum’ (De la Nature).

En 2017, le Musée des Beaux-Arts d’Ottawa présenta une exposition mettant en scène des peintres canadiens. Une immense murale était dédiée au De natura rerum de Lucrèce :

Au début de son long poème didactique, avant d’exposer la théorie atomiste d’Épicure, le poète et philosophe romain Lucrèce (1er siècle avant notre ère) se place sous la protection de Vénus, pour qu’elle lui accorde l’inspiration. Il évoque avec lyrisme Vénus, déesse de la Vie : Mère des Énéades, plaisir des hommes et des dieux, Vénus nourricière, toi par qui sous les signes errants du ciel, la mer porteuse de vaisseaux, les terres fertiles en moissons se peuplent de créatures, puisque c’est à toi que toute espèce vivante doit d’être conçue et de voir, une fois sortie des ténèbres, la lumière du soleil, devant toi, ô Déesse, à ton approche s’enfuient les vents, se dissipent les nuages ; sous tes pas la terre industrieuse parsème les plus douces fleurs, les plaines des mers te sourient, et le ciel apaisé resplendit tout inondé de lumière (De natura rerum, vers 1 à 9, traduction Les Belles Lettres). 

Cette évocation d’une Vénus allégorie de l’abondance et de la paix se retrouve dans la statue d’Aphrodite Omonoia (Ομονοια, la Concorde) exposée au Musée archéologique de Thessalonique. C’est un ex-voto du IIème siècle, qui montre la déesse tenant dans sa main gauche une corne d’abondance, symbole de la fécondité et du bonheurde la profusion gratuite des dons divins (Dictionnaire des Symboles, coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 291).

Aphrodite/Vénus Omonoia

On remarque que la statue présente une femme grecque habillée d’un chiton (Χιτών), tunique portée à même la peau, et de l’himation (Ἱμάτιον), qui ressemblait à un manteau (drapé autour du corps).

Il en est de même pour la petite caryatide (ci-dessous) soutenant un miroir argenté fabriqué en Grèce vers 460 avant notre ère. Actuellement exposée au Musée Walters de Baltimore, cette figurine au vêtement drapé et à la pose élégante, ainsi que la présence des Éros ailés (Cupidon, en latin, dieu de l’Amour) — tout cela suggère qu’il s’agit d’Aphrodite. Et ce, d’autant plus que les oiseaux au sommet du disque ressemblent à des colombes, son oiseau-attribut. La colombe représente l’accomplissement amoureux que l’amant offre à l’objet de son désir (Symboles, p. 269).

Miroir avec Vénus

Pourtant, de multiples sculptures ou peintures représentent Aphrodite/Vénus partiellement dénudée, à peine voilée, ou nue. 

Partiellement dénudée est la fameuse Vénus de Milo — statue grecque de la déesse Aphrodite découverte en 1820 dans l’île de Milo, et actuellement à Paris, au Musée du Louvre. Cette représentation de Vénus est un type transitoire entre un type antérieur de Vénus, vêtue d’un long chiton, et la Vénus de Praxitèle, entièrement nue. Dévêtue jusqu’à la ceinture, elle devait se mirer dans le bouclier d’Arès (Mars) qu’elle tenait à la main (Antiquité, p. 1038).

Au Japon, l’Open Air Museum à Hakone est, comme son nom l’indique, un immense musée en plein air où sont disposées çà et là toutes sortes de statues de grande taille. J’y ai vu un duo inspiré de la Vénus de Milo. Et, à Tokyo, le Musée du Tabac et du Sel expose des artefacts divers, comme cette boîte d’allumettes à l’effigie de la Vénus de Milo, porteuse d’un message de paix. 

À peine voilée est la Vénus de Lucas Cranach l’Aîné, qui a peint plusieurs tableaux au thème gréco-romain. Peindre des personnages mythologiques lui servit souvent de prétexte pour peindre la nudité. En effet, le Nu féminin était un des sujets de prédilection de Cranach, autant que de ses commanditaires ! Le voile-alibi dont est enveloppée Vénus est transparent — au Musée des Beaux-Arts d’Ottawa (huile sur tilleul, 1518) comme aux Musées royaux de Bruxelles (peinture à l’huile, 1531).

Entièrement nue est l’Aphrodite de Cnide, célèbre statue grecque de la déesse exécutée par le sculpteur Praxitèle au IVème siècle avant notre ère. La sculpture originale n’existe plus, mais elle a été abondamment copiée, ayant connu un grand renom en tant que première statue religieuse d’une déesse nue ! 

En voici des répliques diverses : une tête se trouve à la Glyptotek de Copenhague, un corps (copie romaine en marbre du IIème siècle) à l’Art Institute Museum de Chicago et un autre corps (trouvé en Grèce au 1er siècle avant notre ère) au Palazzo Massimo à Rome.

Toujours dans le contexte de la nudité (en hommage à sa beauté), Vénus a aussi été peinte au bain : ce fut le cas de l’Aphrodite anadyomène (sortant des eaux) peinte par Appelle au IVème siècle avant notre ère.

Le tableau d’Odilon Redon intitulé Le bain de Vénus (c. 1908/1913) exposé au Museo nacional de Bellas Artes de Buenos Aires ainsi que la sculpture gallo-romaine découverte et exposée à Toulouse (Musée Saint-Raymond) s’inspirent de l’œuvre du Grec Appelle.

Mais Vénus, fût-elle présente en beaucoup d’endroits du monde, n’est pas seulement une déesse de la Terre.

Planète de grande importance en astrologie, c‘est l’astre de l’art, du plaisir et de l’agrément … Dans toutes les mythologies, aucune divinité ne peut rivaliser avec Aphrodite, protectrice de l’hymen et type achevé de la beauté féminine. Sous son symbole, règne en l’être humain la joie de vivre, dans la fête printanière de l’enivrement des sens, comme dans le plaisir plus raffiné et spiritualisé de l’esthétique. Son règne est celui de la tendresse et des caresses, du désir amoureux et de la fusion sensuelle, de l’admiration heureuse, de la bonté, du plaisir autant que de la beauté. Il est celui de cette paix du cœur qu’on appelle le bonheur (Symboles, p. 1000-1001).

Universelle, Vénus !

 

 

 

One thought on “Universelle Vénus

  1. C’était très intéressant à lire ! Merci d’avoir partagé l’histoire et les photos.
    P. S. I read it in English via google translate 🙂

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