Particulièrement visibles à la mi-août, les Perséides traversent le ciel d’été de l’hémisphère Nord : comme beaucoup de corps célestes, ces étoiles filantes portent un nom grec, celui du mythique héros Persée. En grec ancien, le suffixe –ιδης ou –ιαδης (-ide ou -iade, en français) a, en effet, une valeur patronymique et désigne la descendance d’un individu. Ainsi Achille est-il appelé “le Péléide” (Πηλειδης, fils de Pélée) et Héraclès parfois nommé “Alcide” (car apparenté à Alcée, lui-même fils de Persée). Donc les Perséides sont “les enfants de Persée”.
Pourquoi avoir donné ce nom à ces météores, et qui était Persée ?
Quand le nom de “Perséides” leur a été attribué, on croyait que ces météores provenaient de la Constellation de Persée, laquelle est “voisine” de celles d’Andromède et de Cassiopée — deux personnages féminins qui appartiennent à l’histoire aventureuse de Persée, dans la mythologie grecque.
Persée est un héros ou demi-dieu, fils de Zeus/Jupiter et de Danaé. Selon le Dictionnaire de l’Antiquité (coll. Bouquins, p. 276 et 742-743), Danaé était la fille d’Acrisios, roi d’Argos. Un oracle avait prédit à Acrisios qu’il serait tué par le fils de sa fille, c’est pourquoi il enferma Danaé dans une tour de bronze afin qu’aucun homme ne pût s’approcher d’elle. Mais Zeus s’unit à elle sous la forme d’une pluie d’or, engendrant un fils, Persée. Acrisios plaça Danaé et l’enfant dans un coffre qu’il abandonna à la mer, mais ils abordèrent sur l’île de Sériphos où ils furent recueillis par Dictys, frère du roi Polydectès … Celui-ci tomba amoureux de Danaé, mais cet amour ne fut pas réciproque. Persée était à présent un jeune homme, et comme Polydectès estimait qu’il était un obstacle à ses vues sur Danaé, il le persuada de se lancer dans une dangereuse aventure, obtenir la tête de Méduse, convaincu qu’il y trouverait sa perte. Mais les dieux lui furent favorables… Pluton lui prêta un casque qui le rendrait invisible, Hermès des ailes pour ses pieds, Athéna un miroir (afin d’éviter de regarder directement Méduse, dont les yeux avaient le pouvoir de pétrifier), et les nymphes un sac pour déposer la tête coupée.
Armé de ces accessoires magiques et de son courage, Persée tua la Gorgone Méduse et transporta ensuite sa tête coupée — une tête d’autant plus monstrueuse que, outre ses yeux pétrifiants (même après sa mort), sa chevelure était formée de serpents. Plus tard, grâce à elle, Persée pétrifiera successivement le géant Atlas (devenu un massif montagneux d’Afrique du Nord), le géant Liban (devenu une montagne au Liban) ainsi que les hommes qui voudront faire violence à sa mère, puis à sa femme. D’autre part, du sang répandu par Méduse naquit le cheval ailé Pégase, et, du contact de sa tête avec des herbes du rivage marin, le corail, chez les Anciens, utilisé comme amulette … et censé arrêter les hémorragies, comme un coagulant (Dictionnaire des Symboles, coll. Bouquins, p. 284).
Après cette victoire sur Méduse, sur le chemin du retour à Sériphos Persée fait une rencontre qui changera sa vie.
Le poète Ovide raconte son coup de foudre et son combat pour Andromède, au Livre IV des Métamorphoses.
Andromède était la fille de Céphée, roi des Éthiopiens, et de Cassiopée, qui avait offensé les Néréides, divinités marines, en disant que sa fille les surpassait en beauté. Cet acte d’υβρις (hybris, démesure) entraîna la vengeance du dieu de la mer, Nérée, qui envoya un monstre marin dévaster le pays des Éthiopiens. L’oracle d’Ammon (en Égypte) avait ordonné qu’Andromède soit punie sans l’avoir mérité pour les paroles de sa mère. Dès que (Persée) la voit attachée par les bras aux durs rochers (si une brise légère n’avait pas remué ses cheveux et si ses yeux ne répandaient pas un flot de larmes tièdes, il aurait pensé qu’elle était une oeuvre en marbre), il s’enflamme et il demeure frappé de stupeur ; saisi par l’image d’une beauté extraordinaire, il oublie presque d’agiter ses plumes dans l’air … L’onde se met à gronder, un monstre s’approche, il se dresse au-dessus de la mer immense et domine de sa poitrine l’eau qui s’étend à perte de vue. La jeune fille pousse un cri … (Traduction de G. Lafaye, 1925-30).
Après avoir pris soin de demander la main d’Andromède à ses parents présents sur les lieux du drame, et tout éplorés, Persée combattit le monstre et le vainquit.
Il épousa Andromède, et, malgré bien des obstacles et pérégrinations, ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants : six garçons (Persès, Héléios, Alcée, Mestor, Electryon — qui sera le grand-père d’Héraclès — et Sthénélos) et une fille (Gorgophonè, dont le nom signifie littéralement “voix de Gorgone”) — tous “Perséides”, à proprement parler !
Une tradition rapporte que Persée tua accidentellement son grand-père, Acrisios, accomplissant ainsi l’oracle de sa naissance, et alla en Asie, où un de ses fils, Persès, serait devenu l’ancêtre des rois de Perse.
Héros positif, Persée devient par l’ordre de Zeus l’une des constellations célestes ; il symbolise l’idéal réalisé au prix de difficiles combats et de choix courageux et ingénieux (Dictionnaire des Symboles, coll. Bouquins, p. 744).
Cette métamorphose en constellations représente l’apothéose de Persée et d’Andromède.
Dans la littérature française, un sonnet du Parnassien José-Maria de Heredia met en scène l’envol des deux héros qui, dans les cieux, voient, irradiant du Bélier au Verseau, /Leurs constellations poindre dans l’azur sombre (“Le ravissement d’Andromède”, Les Trophées, 1885).
Les Anciens croyaient que les étoiles, lumières dans la nuit, étaient des dieux ou des héros divinisés. De nos jours encore, la terminologie en astronomie possède beaucoup de noms tirés de la mythologie gréco-romaine : Persée, Andromède, les Perséides, et même Cassiopée (la mère imprudente !) sont immortels.
Quelle histoire ! J’aimerais tant les retenir pour épater les amis lors des soirées d’observation du ciel d’été. Merci encore