Latin ? Pas latin ?

Le français vient du latin, et, tout en évoluant, il en a gardé des traces grammaticales et lexicales. Ainsi est-il assez facile de retrouver les racines latines de mots français usuels, mais aussi de rencontrer des mots latins passés tels quels en français — parfois avec un accent en plus.

Pourtant, malgré les apparences, les noms terminés par -US ou -UM ne sont pas tous nécessairement du latin.

Dans le petit inventaire farfelu qui suit, je donne la réponse aux lecteurs. À eux de tester leur entourage, si cela leur plaît !

Aquarium : Latin ? Pas latin ?

Mot latin : aquarium
Aquarium d’Ostende (Belgique)

Latin ! Le nom aquarium signifie “réservoir, abreuvoir”.

L’aquarium contient donc des créatures aquatiques, qui vivent dans l’eau (aqua).

Argus : Latin ? Pas latin ?

Argus dans mythe d'Io

Latin ! Nom propre devenu commun.

Dans la mythologie gréco-romaine, Argus, géant doté de cent yeux, était un gardien auquel rien n’échappait. La déesse Junon lui confia Io, transformée en génisse. Mais le dieu Mercure déjoua sa vigilance et lui coupa la tête. Junon répandit les yeux du géant sur la queue de ses paons. Ce sont les divers épisodes que montre simultanément ce tableau de Bartolomeo di Giovanni (c. 1490) exposé au Musée Walters de Baltimore (USA) — où Argus porte un manteau rouge.

Actuellement, on appelle argus une publication fournissant des informations spécialisées, tel l’Argus de l’automobile, qui indique notamment la cote des véhicules.

Bonus : Latin ? Pas latin ?

Mot latin à Bruxelles : Bonus

Latin ! Ce nom, synonyme de “gratification, avantage”, vient de l’adjectif bonus, a, um, “bon”.

À noter qu’en anglais on utilise aussi le pluriel “boni” pour désigner des bonus.

Cumulus ?

Magritte-La condition humaine

Latin ! Gros nuage clair aux formes arrondies, le cumulus (cumulus, i = amas, amoncellement) ressort sur le bleu du ciel de ce tableau de René Magritte.

D’autres nuages portent des noms latins, tels le cirrus, le stratus et autre nimbus.

Delirium ?

Bière belge au nom latin

Latin ! Avec ou sans accent sur E, suivi ou non de tremens (pour qualifier le tremblement d’une personne plongée dans un coma éthylique), le delirium est, selon Celse, écrivain du Ier siècle de notre ère, un “transport au cerveau, un délire”.

Ici, pour le fabricant de bière (la “meilleure au monde” !), c’est une aimable provocation langagière. Elle est soutenue par l’image de l’éléphant rose, qui connote l’abus d’alcool, mais qui implique que boire de la bière, cela en vaut la peine !

Détritus ?

César-Detritus-Zizanie

Latin ! Ce mot provient soit du verbe detero (dont une des formes est detritum), qui veut dire “broyer, user, détériorer”, soit du nom detritus, “action d’user”, puis “résidu”.

D’où l’humour de la vignette ci-dessus, qui tient, en plus du comique visuel (regardez bien le buste sur le piédestal situé à gauche de l’image !), à ce que l’infâme semeur de “zizanie” (nom de l’album) porte à la fois un nom noble (Tullius, celui de l’orateur Cicéron) et un nom ignoble de déchet !

D’ailleurs, dans les aventures en B.D. d’Astérix, les noms des personnages et des lieux (souvent en -US et en -UM) sont une source efficace de comique.

Forum ?

Mot latin à Tokyo

Latin ! Le forum était le lieu de la vie politique et des affaires, dans la Rome antique.

Il a donné les mots “foire” et “forain” ainsi que l’expression “en son for intérieur” — qui illustre un débat avec soi-même.

Par extension, la place romaine où se rassemblaient les gens pour parler ou négocier s’est étendu à d’autres pays et c’est devenu, au XXè siècle, le nom de la réunion elle-même. On peut, par exemple, organiser un Forum de l’Éducation.

Quant à l’acronyme FAQ (pour Foire Aux Questions), il témoigne de discussions ou débats sur de nombreux sites web — modernes forums.

Géranium ?

Géraniums-Berne-Suisse2

Pas vraiment latin ! À proprement parler, c’est la transcription latine du nom grec γερανος (geranos, la grue – oiseau), par ressemblance entre le bec de l’animal et la forme des fleurs !

En botanique, tous les noms sont en latin. C’est pourquoi, qu’ils soient formés à partir du grec (autre exemple : cactus transcrit κακτος, “artichaut épineux”) ou du nom d’une personne (par exemple, le bégonia, plante américaine, a été nommé en l’honneur de l’intendant de Saint-Domingue, Bégon, au XVIIIè siècle) — les végétaux ont universellement une classification et un nom latins.

C’est parfois plus facile à lire, n’est-ce pas ?

Parc à Sendai-Japon

Humérus ?

Os du squelette

Latin ! Le nom umerus ou humerus désigne l’épaule, selon Cicéron, et l’os supérieur du bras, selon Celse. C’est ce dernier sens qui est resté.

En anatomie, beaucoup de noms sont latins, même si la médecine occidentale a des origines grecques. Sur le schéma ci-dessus on peut, en effet, relever du latin : axis, scapula, sternum, sacrum, ulna et radius — sans oublier fémur, patella, tibia, fibula, talus, calcaneum dans la partie inférieure (non montrée) du squelette. Mais atlas, acromion, coccyx, et ischion sont des mots grecs.

Également dans le domaine médical, l’opium (mot latin qui vient du grec οπιον opion, “suc de pavot”) figurait sur les étagères des pharmacies ou des hôpitaux, parmi les herbes et tisanes, au XVIIè siècle. C’est un puissant remède contre la douleur.

Opium-Bruges-Belgique

Magnum ?

Magnum-mini

Latin ! Qu’il désigne une grande bouteille (par exemple, un magnum de champagne) ou un grand chocolat glacé, le magnum voit grand, car c’est son sens littéral (de l’adjectif magnus, a, um, “grand”).

On a donc un oxymore (ou une aberration ?) lorsque ce magnum est mini, abréviation de l’adjectif minimus, a, um, “très petit”, comme sur la boîte présentée.

Cet oxymore est bien trouvé, car il minimise ainsi le “péché de gourmandise” !

Muséum ?

Museum à Bruxelles

Latin ! Mais le terme Museum, qui désigne un “endroit consacré aux Muses, aux études”, chez Suétone, auteur latin de la fin du Ier siècle de notre ère, est calqué sur le grec μουσειον (mouseion, “la demeure des Muses”). En français, on met un accent sur le E ; en flamand et en anglais, non.

Olibrius ?

Olibrius selon Haddock

Latin ! Nom propre devenu commun. Olybrius, qui vécut au Vè siècle de notre ère à Constantinople puis à Rome, fut proclamé Auguste (i.e. empereur) de l’Empire romain d’Occident en 472. Mais le réel pouvoir était alors dans les mains d’un certain Ricimer — lequel mourut en mai 472, suivi de près, en octobre, par Olybrius. Celui-ci n’eut donc pas le temps d’exercer un pouvoir vraiment personnel, et passa aux yeux de la postérité pour un fantoche et un incapable.

Ce terme, transformé en olibrius, désigne de nos jours un individu qui fait le bravache, mais qui n’est qu’un ridicule fanfaron.

Dans la bouche du Capitaine Haddock, célèbre pour ses jurons insolites, c’est une constatation peu amène de la conduite étrange du Professeur Tournesol, dont Tintin, les Dupond/t et lui-même viennent juste de faire la connaissance (Le Trésor de Rackham le Rouge) et ne savent pas encore combien il est distrait !

Quorum ?

Mot latin à Bruges

Latin ! C’est un pronom décliné au génitif masculin ou neutre pluriel et que l’on peut traduire par “desquels, dont”. Le dictionnaire Petit Robert le définit ainsi : Nombre minimum de membres présents ou représentés (pouvoirs), exigé pour qu’une assemblée puisse valablement délibérer et prendre une décision.

La vitrine ci-dessus (à Bruges) afficherait-elle ainsi son objectif de vente : des vêtements pour un nombre limité d’hommes élégants ? Ce serait incitatif pour ceux qui veulent faire partie des happy few !

Ce qui est sûr, c’est que la boulangerie (à Bordeaux) dont la photo figure en tête de cet article propose des Pains et cætera, donc plein de bonnes choses — mais à découvrir à l’intérieur de la boutique, vu la place limitée pour les énumérer sur son auvent !

Rhum ?

Rhum de Sainte-Lucie-Caraïbes

Ce n’est pas un mot latin ! Plusieurs dictionnaires indiquent que ce serait l’abréviation de l’adjectif anglais rumbustious, “bruyant, tapageur” — faisant référence aux effets de cette boisson sur ses consommateurs. Le mot rum, orthographié “rhum”— probablement par contamination avec le grec ρευμα (rheuma, “écoulement”, qui a donné “rhume et rhumatisme”) — est entré dans la langue française au XVIIè siècle.

Les pirates qui écumaient les Caraïbes devaient l’apprécier, si l’on en juge par ce panneau affiché dans une actuelle rhumerie de l’île de Sainte-Lucie.

Stradivarius ?

Violon Stradivarius

Ce n’est pas un mot latin ! Mais c’est le nom latinisé du luthier italien inventeur de ce violon : Antonio Stradivari, dit “Stradivarius”.

Nom propre devenu commun (on dit : un stradivarius), il est entré dans la langue française au XIXè siècle.

Virus ?

Virus-dessin d'élève

Latin ! Le nom virus, qui est du genre neutre malgré sa désinence apparemment masculine, signifie “venin, poison” chez Cicéron, et “infection”, chez Pline l’Ancien. Pour jouer sur les mots, le moins que l’on puisse dire, c’est que son caractère “neutre” ne l’empêche pas de nuire. Que ce soit dans le domaine médical ou dans l’informatique, un virus, c’est tout à la fois un poison venimeux et une infection !

Pourtant, dans le domaine des communications via l’informatique, virus est devenu un mot passe-partout positif. Quand quelque chose est devenu “viral” sur Internet, c’est généralement que l’on souligne son succès !

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