Janvier, sous les auspices de Janus

Janvier tire son nom de Janus — auquel j’ai déjà consacré un court article l’an dernier.

Dans la plupart des pays actuels, janvier marque le début de l’année. Il en était de même dans la Rome de l’Antiquité, depuis 153 avant notre ère. Et le 1er janvier, les Romains s’offraient des cadeaux (strenae — d’où vient le mot “étrennes”), comme de nos jours on s’échange des vœux de bonheur.

Mais Janus, quels sont les pouvoirs de ce dieu au double visage (bifrons) ?

C’est un dieu bienfaisant.

Personnification du ciel lumineux, il est à l’origine de tout.

Selon le Dictionnaire culturel de la mythologie gréco-romaine (éd. Nathan, 1995, p. 145), c’est un Créateur attentif aux besoins de l’humanité car son règne coïncide avec l’âge d’or. Il accueillit Saturne, inventa l’usage des bateaux et de la monnaie, apprit aux indigènes à cultiver la terre, leur procurant ainsi l’abondance.

C’est aussi un Protecteur.

Aux premiers temps de Rome, il aurait prêté main forte à ses habitants, qui allaient être envahis par les Sabins, en faisant jaillir une source bouillante devant l’armée ennemie. C’est pourquoi, pendant les siècles suivants, le temple de Janus garda ses portes ouvertes en temps de guerre, pour que le dieu puisse aider ses fidèles.

Janus bifrons
Janus bifrons (Palazzo Massimo, Rome)

Mais son double visage matérialise son ambivalence, révèle le Dictionnaire des Symboles (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 530).

C’est d’ailleurs également le cas du dieu Hermès/Mercure, à la fois protecteur des commerçants et des voleurs, de la jeunesse et de l’expérience. Son buste — placé en tête de l’article — exposé au Musée archéologique de Lisbonne (Portugal), montre sa double personnalité : il est à la fois jeune et vieux, regardant vers le passé et vers l’avenir.

Quant à Janus, il devint le dieu des transitions et des passages, marquant l’évolution du passé à l’avenir, d’un état à un autre, d’une vision à une autre, d’un univers à un autre — à l’image de chaque porte (janua, en latin) dont il est la divinité éponyme.

Du coup, sa vigilance peut être obsédante car il surveille aussi bien les entrées que les sorties, il regarde aussi bien l’intérieur que l’extérieur, la droite que la gauche, devant et derrière, le haut et le bas, le pour et le contre (ibid.).

Cependant, ce n’est pas un Cerbère auquel il manquerait une tête !

En effet, le double regard symbolise l’omniscience, donc a partie liée avec la Magie, la Divination et la Poésie.

Dans l’Antiquité (et jusqu’au XVIIIè siècle dans certains pays européens), on pratiqua une forme de divination appelée rhapsodomancie (de “rhapsode”, chanteur itinérant de la Grèce antique qui récitait des poèmes épiques, et “mancie”, divination). Le Livre des Superstitions (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 1002) indique que l’on utilisait principalement les ouvrages d’Homère et de Virgile (Virgilianae sortes) : on ouvrait le livre au hasard et le premier passage qui se présentait délivrait l’oracle et renseignait sur la conduite à tenir ou l’issue d’une affaire déterminée ou bien on tirait au sort des vers (notamment de l’Énéide) écrits sur des tablettes placées dans une urne.

Voilà pourquoi on trouve des bustes bicéphales de Virgile, tel que celui-ci, visible à la Glyptotek de Copenhague au Danemark. Croyez-moi sur parole même s’il est partiellement caché par l’angle de la prise de vue !

Virgile bifrons, Glyptotek, Copenhague
Virgile bifrons (Glyptotek, Copenhague)

Et c’est de là, peut-être, que vient la coutume des souhaits et vœux pour l’avenir que l’on formule à famille, amis et connaissances.

Bonne Année MMXV !

Pour laisser un commentaire, utilisez "Contact"