J’ai passé quelques jours de vacances à La Rochelle, après trois ans sans revenir en France (pandémie oblige !). Quel plaisir de retrouver ma ville natale, toujours belle, et encore embellie par de nouveaux aménagements !
Il a fait très chaud et j’étais souvent à la plage. Mais j’ai un peu arpenté les rues du côté du Vieux Port et repéré quelques détails intéressants. En effet, même si elle n’est pas “romaine” comme sa (presque) voisine Saintes, j’ai trouvé à La Rochelle quelques allusions à l’Antiquité gréco-latine.
Voici donc, non pas un guide touristique, mais une brève vision, personnelle et amusée, de La Rochelle.
Son nom vient du latin “rupella“. Fondée au XIè siècle sur un site rocheux en bordure de l’Océan atlantique, “La Rochelle” signifie littéralement “la petite roche” ou “le petit rocher” (“rupella” est le diminutif de “rupes“, la paroi de rocher, la grotte, le précipice).
J’ai vu, sur le port, un café-hôtel qui s’appelle Rupella et commémore l’origine du nom de la ville.
Toujours dans les environs du port, dans le quartier du Gabut on peut admirer d’immenses murales, récemment exécutées et très colorées. L’une de ces peintures, jouxtant le bassin des yachts, évoque la Mer de façon allégorique. Une spectaculaire représentation du dieu gréco-romain Poséidon-Neptune y figure avec majesté.
Le patronage de ce dieu semble normal dans une cité maritime. Il peut symboliser ici la richesse de la ville, qui, par sa maîtrise de la mer, a connu des échanges commerciaux florissants avec le Nouveau Monde (où elle avait envoyé des colons), notamment du XIVè au XVIIè siècle.
Autre symbole de La Rochelle, son blason armorial (et sa devise en latin). Je ne sais pas exactement à quelle date il a été créé, mais j’ai pu admirer ce blason taillé sur la pierre du piédestal de la statue de Jean Guiton érigée sur la place de l’Hôtel de Ville.
Tour à tour possession française ou anglaise entre le XIè et le XIVè siècle, La Rochelle était devenue une place-forte protestante (calviniste) au début du XVIè siècle. En 1627, le cardinal de Richelieu, tout-puissant ministre du roi Louis XIII, voulut détruire cette puissance qui, à ses yeux, menaçait le pouvoir royal catholique — d’autant plus menacé que l’Angleterre, alliée de La Rochelle, avait déclaré la guerre à la France. Richelieu et les troupes royales assiégèrent la ville, bloquant le front de mer pour empêcher les Anglais de ravitailler les Rochelais.
Jean Guiton était maire pendant le siège, et il se comporta avec courage et foi. La devise latine “Servabor rectore deo” (qu’on peut traduire par : “Je serai sauvé, Dieu étant mon guide”) met l’accent sur l’importance de la religion — la France ayant connu des Guerres de Religion (entre catholiques et protestants) de triste mémoire au XVIè siècle.
Mais la famine, après avoir décimé les habitants qui résistèrent pendant plus d’une année, obligea la ville à se rendre (le 28 octobre 1628).
La devise moderne de la ville est maintenant : “La Rochelle, belle et rebelle” — qui, par l’effet de rime intérieure et de jeu de mots, insiste sur ce passé de résistance.
Autre personnalité rochelaise, le médecin Nicolas Venette (1633-1698) publia de nombreux ouvrages médicaux et de sciences naturelles. La maison qui porte son nom, construite au début du XVIIè siècle pour l’Espagnol Martin Bartox, devenu “médecin ordinaire de la cité”, est ornée de gargouilles et de bustes de médecins célèbres de l’Antiquité (plaque explicative).
En haut de la façade, on distingue encore le nom latin du dieu Esculape (Aesculapius, dieu grec de la médecine), une inscription latine (devenue illisible), et les bustes d’Hippocrate et de Galien.
Selon le Dictionnaire de l’Antiquité (coll. Bouquins, Éd. Robert Laffont, p. 502-503), Hippocrate, illustre médecin grec né dans l’île de Cos aux environs de 460 av. J.-C. et qui vécut au moins jusqu’en 370 … On ne connaît pratiquement rien de sa vie. Mais il a donné son nom au Corpus hippocratique (recueil de traités médicaux) et au Serment d’Hippocrate, que prononcent les futurs médecins.
Galien (Galenos) de Pergame (129-199 ap. J.-C.). Médecin grec dont l’influence extraordinaire sur la médecine, dans les temps anciens aussi bien que modernes, est demeurée sans égale … Il était un grand admirateur d’Hippocrate (ibid. p. 427).
La Rochelle est riche en Histoire et en Grands hommes. Mais elle n’est pas un musée de pierre (même si ses vieux monuments sont remarquables) ni un cimetière latin. Le latin est toujours vivant dans la ville !
J’en veux pour preuves trois exemples, qui m’ont bien plu (et dont je garantis l’authenticité) : d’abord, le latin botanique qui nomme scientifiquement la truffe, ingrédient gastronomique ; puis, la publicité dans un abribus pour le site touristique du Puy du Fou, à quelque distance de La Rochelle, affichant un gladiateur (qui côtoie les logos des réseaux sociaux modernes) ; enfin — nec plus ultra à mes yeux — le tatouage d’une jeune serveuse dans un restaurant populaire où j’ai dégusté “la planche de la mer” (assortiment de crustacés) !