Chicago “intra muros”

J’écris ce court article, complétant le précédent (Chicago, mai 2018), pour montrer quelques traces de latin à l’intérieur de deux célèbres immeubles que j’ai visités.

Situés “intra muros” dans le Loop, ils se trouvent dans le cœur historique de la ville — reconstruite après le Grand Incendie de 1871.

Achevé en 1895, le Marquette Building, devenu monument patrimonial en 1975, fut le premier site commercial de Chicago.

Entrée du Marquette Building

Cet édifice a été nommé ainsi en l’honneur de Jacques Marquette, qui, accompagné de Louis Jolliet, explora la région alors habitée par des tribus indiennes. C’était en 1674-75 ; ils cherchaient une route pour faire du commerce jusqu’à l’Océan Pacifique et découvrirent la rivière Chicago.

Buste de Jacques Marquette

Le Père Marquette était un missionnaire jésuite. C’est pourquoi, dans l’impressionnant hall d’entrée du bâtiment où figurent les bustes de divers explorateurs et des mosaïques en verre (datant de 1897) représentant les échanges entre les Européens et les Amérindiens, on peut voir les armoiries de l’ordre des Jésuites à côté du portrait de Jacques Marquette.

Hall d’entrée du Marquette Building

La devise latine des Jésuites Ad Majorem Dei Gloriam signifie “Pour la plus grande gloire de Dieu”. Elle est toujours utilisée (souvent sous la forme A.M.D.G.) sur les documents émanant de la Compagnie de Jésus.

Parmi les bustes, on remarque aussi celui de Chicagou. Est-ce le nom d’une personne — comme le laissent croire les noms inscrits sous les autres bustes — ou celui, plus générique, d’un peuple ?

Buste de Chicagou

En tout cas, il rappelle que le nom de “Chicago” est la transcription française d’un mot amérindien signifiant “ail sauvage” — plante qui poussait alors en abondance dans cette région marécageuse.

Contemporain du Marquette Building, l’actuel Chicago Cultural Centre fut inauguré en 1897. Édifice de style Beaux-Arts, il fut d’abord la Bibliothèque Publique de la ville.

Il n’est donc pas étonnant d’y trouver de belles arches en mosaïque, constellées des noms de quatre grands auteurs latins : Livy, Horace, Virgil et Cicero (connus en français sous les noms de Tite-Live, Horace, Virgile et Cicéron),

et de deux Grecs immortels : Homer (Homère) et Plato (Platon).

En outre, le hall d’entrée est pavé d’une mosaïque en pierre portant le seul mot Literis, qui veut dire littéralement “avec des lettres” ou “par les lettres” ou “avec/par la littérature” (ablatif pluriel du nom litera ou littera),

tandis que les murs arborent la devise Lux et Veritas — devise qui sacralise la mission d’une bibliothèque : apporter la Lumière (de la Connaissance) et la Vérité aux lecteurs.

Noble idéal que ce petit échantillon de latin “intra muros” (“à l’intérieur des murs”) !

Pour finir, le philosophe américain Ralph W. Emerson a dit, au XIXè siècle : The world is founded on thoughts and ideas. Not on cotton or iron (Le monde est fondé sur des pensées et des idées, non sur du coton ou du fer).

Il me semble rassurant de savoir que la Chicago actuelle, immense carrefour financier et commercial, affiche toujours paradoxalement cette confiance en la supériorité de la Pensée sur les biens matériels.

 

 

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