Cupidon est partout dans le monde, ou presque ! Ces photos (prises lors de mes voyages) montrent le dieu de l’Amour de l’Antiquité gréco-latine toujours présent actuellement, en Europe, en Amérique du Nord et au Japon.
Doit-on encore présenter le divin bébé potelé et ailé, qui décoche ses flèches impitoyables (selon Ovide) sur les humains qu’il veut rendre amoureux ? Oui, car un “Cupidon” latin peut en cacher un autre … un Grec qui s’appelle Éros !
Éros (Ερως), dont le nom vient du verbe εραω (érao) qui signifie “être épris de, aimer passionnément” — origine des mots “érotisme, érogène, pédéraste (qui aime les jeunes gens) etc.”, c’est l’Amour.
Il est une des divinités primitives de la cosmogonie mythologique grecque nées du Chaos (le Vide), en même temps que Gaïa (la Terre) et Nyx (la Nuit), comme symbole de la puissance de l’amour sur les dieux et les hommes. (Dictionnaire de l’Antiquité, coll. Bouquins, p. 379-381)
Divinité essentielle, il représente le désir sexuel, qui permet la reproduction des espèces. C’est sans doute pourquoi l’hebdomadaire anglais The Economist l’affichait ainsi en février 2017 sur sa page de couverture, pour symboliser les avancées de la procréation médicalement assistée.
Lui-même, de qui est-il né ?
Différentes traditions le présentent. Son arbre généalogique ne remonterait pas au Chaos, mais à un œuf primordial, symbole de bienheureuse plénitude, qui, en se partageant, formera le ciel et la terre. Souvent nommé aussi Protogonos (premier-né), Phanès (celui qui fait briller), c’est un être double, bisexué, capable d’unifier par sa puissance les aspects différenciés, voire contraires, d’un monde conçu comme un morcellement et une dégradation de l’Être initial. (Dictionnaire culturel de la mythologie gréco-romaine, éd. Nathan, 1995, p. 106)
Selon ce que Platon rapporte dans Le Banquet, pour Socrate Éros est un δαιμων (daimôn), être intermédiaire entre les dieux et les hommes, né dans le jardin des dieux de l’union de Poros (Expédient) et de Pénia (Pauvreté), perpétuellement inassouvi comme l’une, toujours plein d’astuce, comme l’autre. (ibid.)
Le poète grec Alcée fait d’Éros le fils d’Iris (déesse de l’Arc-en-ciel et messagère des dieux) et du vent Zéphyr. (Antiquité, p. 536)
Mais, le plus souvent, il passe pour le fils de Vénus/Aphrodite (déesse de l’Amour et de la Beauté, dont la colombe est l’attribut) et de Vulcain/Héphaïstos (dieu-forgeron), son mari, ou bien de Vénus et Mars/Arès (dieu armé de la Guerre), son amant.
Chez les poètes lyriques il personnifie le désir physique cruel et imprévisible, tout en incarnant les qualités qui inspirent l’amour : il est donc jeune et beau. Cet Éros est le compagnon, souvent le fils, d’Aphrodite. Son arc et ses flèches, et plus tard sa torche, occupent une place prééminente dans le rôle de petit garçon malfaisant qui lui est assigné par les poètes et les artistes hellénistiques. (Antiquité, p. 381)
D’ailleurs, il arrive que ce garnement soit puni par sa mère, comme le montre cette étonnante sculpture italienne en bronze (exposée au Musée des Beaux-Arts d’Ottawa), où l’on voit que l’Amour y laisse parfois des plumes !
D’Éros à Cupidon, il y a peu de distance, car le second est l’équivalent romain d’Éros, le dieu-enfant de la Grèce hellénistique, indique le Dictionnaire de l’Antiquité (p. 268).
C’est d’abord sur son nom que s’établit la similitude. Cupido (nom masculin désignant le dieu) est l’homonyme de cupido (nom féminin) qui signifie “désir passionné, envie, convoitise”. Son sens, dérivé du verbe cupere (désirer, convoiter), peut avoir une acception positive : cupidineus, en latin, qualifie un individu “beau comme Cupidon” ; et on appelle “cupidon” un coq de bruyère d’Amérique centrale réputé pour la beauté de ses parades amoureuses (Dictionnaire culturel de la mythologie gréco-romaine, p. 75). Mais l’acception est négative quand il s’agit de parler de cupidinarii, de “débauchés” ; et, en français, les mots “cupide” et “cupidité” (connotant l’amour de l’argent, et non d’un être humain) sont péjoratifs.
Ce petit bilan lexical souligne que Cupidon, même en tant que dieu, est, chez les Romains, un personnage de la littérature plutôt que de la religion.
Chez les poètes Virgile (dans l’Énéide), Ovide (Les Métamorphoses) et Apulée (L’Âne d’or), Cupidon joue un grand rôle, en faisant et défaisant des couples d’amoureux. Par exemple, la reine Didon, tombée amoureuse du Troyen Énée de passage à Carthage, se suicidera à son départ (Énéide) ; le dieu Apollon désirera en vain Daphné, qui sera changée en laurier (Métamorphoses). Lui-même, Cupidon, connaîtra des amours tumultueuses avec Psyché (l’Âme) — un conte merveilleux à l’intérieur du roman d’Apulée (IIè s. de notre ère), dont le sculpteur Antonio Canova a représenté le premier baiser (ci-dessous, au Metropolitan Museum de New York).
En ce qui concerne la religion, on trouve des représentations de Cupidon sur d’anciens cercueils, où il est le symbole de la vie après la mort promise aux initiés des religions à mystères ; ces représentations sont à l’origine des images de chérubins dans les églises. (Antiquité, p. 268)
Sur ces sarcophages en marbre (exposés à la Glyptotek de Copenhague), on voit la course désordonnée d’une pluralité de cupidons : scène joyeuse et triste à la fois, qui rappelle qu’Éros est lié à Thanatos (la Mort).
Alors, qu’il soit représenté sous forme de “chérubins” ou de putti (en Italie), bébé ou adolescent, ce dieu-enfant avec son arc, son carquois et ses flèches est resté l’emblème de l’amour. Et si cet article ne contient que des photos prises dans l’hémisphère Nord (pas tout à fait un “Tour du monde”), je crois qu’il ne devrait pas être trop difficile de trouver au Sud des portraits de Cupidon : regardez bien les cartes de la Saint-Valentin !