À Neptune, chez les anciens Romains, était consacré le mois de février, dont le nom avait une étymologie incertaine (febris, fièvre, ou februare, purifier).
Fait surprenant, vu les fonctions de ce dieu.
En effet, selon le Dictionnaire culturel de la mythologie gréco-romaine (éd. Nathan, p. 171), Neptune était un dieu italique de l’Eau (et des éléments liquides en général), dont le nom repose peut-être sur la même racine que le mot “naphte” (du grec ναφτη naphté), synonyme de “pétrole”. Devenu dieu de la mer après son assimilation au Poséidon des Grecs, il était le patron des bateliers et des pêcheurs.
Dieu olympien, né de Cronos/Saturne et de Rhéa, il fut, comme ses frères et sœurs, avalé à la naissance par son père. Plus tard, son jeune frère Zeus/Jupiter fit régurgiter à Cronos tous ses enfants. Tous ensemble ils combattirent ensuite les Titans ; à cette occasion, il reçut des Cyclopes le trident, qui restera son attribut et dont il use pour déchaîner les tempêtes et les tremblements de terre. Lors du partage du monde entre les trois fils de Cronos, le sort lui attribue l’empire de la mer (op. cit. p. 204).
Aussi n’est-il pas rare de voir des représentations modernes de Neptune, toujours armé de son trident, dans des villes portuaires, ou situées non loin de la mer, ou encore auprès d’un grand fleuve — ce dont témoignent les photos insérées dans cet article.
Comme tous les dieux de l’Olympe, c’était un personnage complexe, plutôt redoutable, même s’il était capable de bonnes actions. Nombreuses sont ses aventures dans la mythologie et la littérature gréco-romaines, mais j’ai choisi d’en évoquer seulement deux.
Dans les temps immémoriaux de la Grèce, Poséidon se mesura à sa nièce, la déesse Athéna, pour la possession de l’Attique et de sa ville principale, Athènes — dont le nom rappelle qui emporta finalement la joute : Athéna. Et pourtant, selon le Dictionnaire de l’Antiquité (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 805), devant les habitants réunis, il fit surgir une source d’eau salée en frappant le sol de l’Acropole ; mais Athéna, qui avait fait le don de l’olivier, se vit attribuer la victoire par les Athéniens.
Malgré sa défaite, il fut honoré sous le nom de Poséidon Érechthée (d’où le nom du temple de l’Érechthéion, sur l’Acropole), notamment parce qu’il aurait offert aux Grecs une créature qu’il avait engendrée, un animal jusque là inconnu d’eux, le cheval, symbolisant la puissance génératrice ! Appelé également Poséidon Hippios (“du cheval”, en grec), il est représenté souvent dans un char tiré par des chevaux marins (mi-chevaux mi-serpents) — comme sur la photo en tête de l’article (huile sur toile, “grisaille”, Angleterre, c. 1761).
Bienfaiteur par ses dons utiles aux Grecs, et, par ailleurs, amateur de jolies femmes, il sut réparer une offense commise à l’égard de la jeune et belle Cénis, en l’aidant à changer de sexe.
En voici l’histoire, narrée par le poète latin Ovide : Un jour qu’elle errait sur des bords écartés, le dieu des mers lui fit violence. Lorsque Neptune eut goûté les plaisirs de cet amour nouveau : “Tu peux, dit-il, faire un souhait, quel qu’il soit, sans avoir à craindre de le voir repousser ; choisis celui que tu voudras.” “L’affront que j’ai subi, répond Cénis, m’inspire un souhait extraordinaire : je voudrais qu’il me fût désormais impossible de subir rien de semblable ; permets-moi de ne plus être femme et tu auras comblé tous mes désirs.” Elle avait prononcé ces derniers mots d’une voix plus grave ; on pouvait croire que c’était une voix d’homme et on ne se serait pas trompé ; car déjà le dieu de la mer profonde avait consenti et de plus il avait accordé au jeune homme le don d’être à jamais invulnérable et de ne pouvoir succomber aux atteintes du fer (Métamorphoses, XII, traduction de Georges Lafaye, 1925-30).
Attiré par la gent féminine, Neptune, qui habitait dans un palais d’or au fond de la mer Égée, avait une épouse légitime, la ravissante Amphitrite, petite-fille du dieu Océan.
Le couple, qui régnait sur la Mer (Méditerranée), les Eaux Calmes (l’actuelle Mer Noire, autrefois Pont Euxin, c’est-à-dire, en grec, “mer accueillante”) et les fleuves souterrains, avait un fils, le dieu Triton, qui soufflait dans une conque pour annoncer le cortège royal.
Cortège varié et exubérant, s’il en fut, car, outre les Tritons (mi-hommes mi-poissons), il était composé d’une multitude de créatures marines : les dauphins, les poissons, les crevettes, les plantes aquatiques, Nérée “le vieil homme de la mer” et ses filles, les Néréides (nymphes de la mer), le dieu Oceanus etc.
En résumé, dieu utile et dieu terrible, Poséidon recevait un culte en Grèce à la pointe de l’Attique, dans un temple situé au Cap Sounion — actuellement encore un des plus beaux endroits de la Grèce !
Mais les Romains, peuple de soldats plutôt que de marins comme les Grecs, redoutaient de prendre la mer. Aussi est-il possible qu’ils aient choisi d’honorer Neptune en février (juste avant la reprise des campagnes militaires en mars), afin de s’attirer ses bonnes grâces à un moment de l’année où se déclenchent de nombreuses tempêtes.
De nos jours, Neptune/Poséidon n’est plus officiellement invoqué par les navigateurs, mais, plus modestement, par les amateurs de douches — si l’on se fie à cette publicité canadienne — ou bien les joueurs d’échecs en Ouzbékistan !
On l’a relégué dans une planète éloignée de la Terre et du Soleil …
Pourtant il peut apparaître paradoxalement comme un symbole d’hospitalité — auberge à Québec et restaurant sur l’île de Saint-Martin dans les Caraïbes ou, sous le nom de Poséidon, en Hokkaido (Japon) — pour les voyageurs modernes, nouveaux émules d’Ulysse, dont il fut, à en croire l’Odyssée d’Homère, le meilleur ennemi !