Le 24 juin, c’est le jour de la Saint-Jean et c’est aussi celui de la déesse Fortuna.
La Saint-Jean — fête nationale du Québec — est encore célébrée dans quelques pays d’Europe. Pour la fêter, on allume de grands feux (les “feux de la Saint-Jean”), on fait de la musique, on chante et on danse presque toute la nuit !
Or, à la même date, dans l’antique Rome, on célébrait, au milieu de l’allégresse générale de la foule, esclaves inclus, la fête de la déesse Fortuna.
Selon le Dictionnaire de l’Antiquité, Fors Fortuna, la Fortune, était une déesse italienne, qui était peut-être à l’origine “porteuse” de fertilité (du latin ferre, “porter”), mais identifiée à la déesse grecque Tyché (Τυχη), et donc ainsi déesse du Hasard ou de la Chance (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 421).
La statuette en argent ci-dessous, datant du IIè siècle de notre ère, figure dans les collections du Musée Walters de Baltimore (États-Unis).
Provenant d’un autel domestique romain ou lararium (laraire), elle représente la déesse Tyché, personnification d’une cité (selon la croyance grecque), ici combinée, par syncrétisme religieux, avec des éléments de Fortuna et de la déesse égyptienne Isis.
Isis, comme Fortuna, symbolisait l’abondance.
C’est pourquoi, on la représentait souvent avec la Corne d’abondance (Cornucopia), comme sur la statue en marbre ci-dessous (copie du 2ème siècle de notre ère), qui se trouve au Musée archéologique de Thessalonique (Grèce).
Dans sa main gauche, elle porte la Corne d’abondance, et, dans la droite, elle tenait probablement le gouvernail d’un bateau.
En effet, Fortuna était une des plus populaires parmi les divinités protectrices de la religion romaine. Son lieu de culte principal se tenait à Antium (ville du Latium), comme le proclame le poète latin Horace au Ier siècle avant notre ère : O diva gratum quae regis Antium, Ô toi déesse qui règnes sur la charmante cité d’Antium ! (Odes, I, 35, v. 1). On y révérait sa statue en or. À Rome, son autel était situé près du Tibre.
Cette déesse protégeait tout le monde, ou presque. Les hommes politiques l’invoquaient sous le nom de Fortuna Publica (Fortune de l’État), les femmes, sous celui de Fortuna muliebris (Fortune féminine), la classe sociale des Chevaliers l’appelait Fortuna Equestris (Fortune équestre) et les adolescents, Fortuna barbata (Fortune barbue).
Virgile, contemporain d’Horace, en fait une compagne de son héros Énée, et il écrit “Fortuna audentes juvat”, La Fortune seconde les audacieux (Énéide, X, v. 284) — qui deviendra le proverbe français : “La Fortune sourit aux audacieux.”
Tandis que le poète Ovide, un peu plus tard, affirmera que “La Fortune ne résiste qu’aux prières du lâche” (Métamorphoses, VIII, v. 70) !
Pendant que la foule romaine festoyait sans retenue en l’honneur de Fortuna, le 24 juin, les Gaulois rendaient un culte au Soleil, par des réjouissances autour de grands feux.
Le Livre des Symboles explique, en effet, qu’au solstice d’été, ils (les Gaulois) célébraient la lumière, qui, parvenue au faîte de sa puissance, allait décroître, ainsi que le renouveau de la nature.
Après la christianisation de la Gaule, Pour supprimer le caractère païen des feux du solstice d’été, l’Église a eu recours à des textes concernant saint Jean-Baptiste, ou interprétés comme tels, donc à une assimilation qui rendait les feux orthodoxes. Saint Jean-Baptiste avait désigné le Messie en ces termes : “Voici l’agneau de Dieu qui efface les péchés du monde” et il avait ajouté : “Il faut qu’Il grandisse et que je diminue.” Or, le soleil commence à décliner à partir de la mi-juin (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 897).
Bonne saint Jean-Baptiste et bonne Fortune à tous !