Vides, les vacances ?

Les Romains libres de l’Antiquité, s’ils connaissaient plusieurs sortes de congés,  pour se reposer (otium, en latin, signifie le loisir) ou  assister à des fêtes religieuses et civiques (feriae, jours fériés), n’avaient pas inventé les vacances telles que les connaissent de nombreux pays actuels.

Pourtant le mot “vacances” vient du latin, et le film de William Wyler, intitulé en français Vacances romaines (1953, avec Audrey Hepburn), donne une vision idyllique des “vacances” à Rome (même moderne) !

Vacances romaines

D’après le Dictionnaire de l’Antiquité (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 1030), il y avait autrefois à Rome une déesse nommée Vacuna, d’origine sabine.

Peu connue, cette déesse figure cependant dans une épître que le poète latin Horace, “ami des champs” (comme il se présente lui-même ), dédie à son ami Fuscus, “ami de la ville”. Horace écrit à la fin : Hoc tibi dictabam post fanum putre Vacunae,/ Excepto quod non simul esses, caetera laetus Telles sont les pensées que je vous adresse, assis auprès du vieux temple de la déesse qui préside au repos et aux loisirs des habitants de la campagne. Là rien ne manque à mon bonheur, si ce n’est la présence d’un ami tel que vous (Épîtres, I, 10, 49, traduction Féletz).

Horace fait un jeu de mot sur le nom de Vacuna et sur le sentiment de “vacance(s)”.

Car, étymologiquement parlant, “vacances” provient soit du verbe vacare, soit de l’adjectif vacuus, vacua, vacuum.

Vacare signifie d’abord : “être libre, être inoccupé”. Il a donné les termes français : vacant, vacance (de poste), et anglais vacant, vacantly, vacancy — qui s’emploie dans l’hôtellerie ; no vacancies indique, par exemple, qu’un Bed and Breakfast est complet.

Il signifie aussi — et on pourrait penser que c’est le contraire du sens précédent — “avoir du loisir pour faire quelque chose, se consacrer à quelqu’un ou à quelque chose”. D’où les mots : vacation (poste temporaire), vacataire, vaquer à ses occupations.

Vacuus, lui, endosse différents sens se rattachant à la notion de “vide”. C’est de là, en effet, que viennent : vide, vider, évacuer (rendre vide), évacuation, vacuité, vague (pour qualifier un air ou un terrain). Également, en anglais, vacuum cleaner (aspirateur), vacuum extractor (forceps). D’ailleurs le vacuum est un “espace vide, sans matière”, selon le poète Lucrèce in De Natura Rerum — définition que reprend le Dictionnaire Robert.

On peut constater que l’étymologie latine est ambivalente et que les termes ont une résonance tantôt négative, tantôt positive, à l’image du “vide”, qui, loin d’être “rien”, se trouve parfois synonyme de plénitude. Faire le vide en soi-même, au sens symbolique que donnent à cette expression poètes et mystiques, c’est se libérer du tourbillon des images, des désirs et des émotions ; c’est échapper à la roue des existences éphémères, pour ne plus éprouver que la soif de l’absolu (Dictionnaire des Symboles, coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 990)

Il en est de même avec le mot “vacances” qui, mis au pluriel, possède une connotation positive pour les Francophones — et surtout les Français de France — car il évoque toutes sortes de lieux et d’activités choisis et plaisants. Ce sont pourtant, à proprement parler, des “jours vides” !

Vacances ou vacuité ?
“Nos jours sont comme une ombre”. Cadran solaire, Ville de Québec, Canada.

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