Menthe

Thé à la menthe, Menthe à l’eau, Diabolo menthe, Mint julep … en été, rien de tel que la menthe pour se rafraîchir !

Mais d’où vient le mot “menthe” ?

“Menthe”, nom commun, provient du nom de Μινθη Minthé (Mentha ou Menta, en latin), une naïade grecque (nymphe des sources et cours d’eau). Celle-ci était la maîtresse du dieu des Enfers, Hadès (Pluton, en latin). Elle se serait vantée d’être supérieure à Perséphone (Proserpine), l’épouse légitime du dieu. Ou bien, la déesse aurait simplement été jalouse d’elle. Ou encore, délaissée par Hadès, Minthé aurait voulu le reconquérir. Quelle qu’en soit la raison, cet acte d’hybris ou “démesure” (vouloir égaler les dieux lorsqu’on est un simple être humain — notion fort importante dans la Tragédie grecque antique) a causé sa mort.

Selon le Dictionnaire des Superstitions (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 1108-1110), elle fut tuée par Perséphone. Hadès lui accorda de devenir une plante odorante mais ordinaire, la menthe. Dans une autre version, Déméter, mère de Perséphone, la condamna à ne plus porter de fruits, d’où la double réputation de la menthe, qui est à la fois de caractère funéraire, considérée comme un “tue-l’amour” entraînant la stérilité, et en même temps associée à la sexualité.

On ne s’étonnera donc pas qu’Aphrodite (Vénus), déesse de l’amour, soit associée à la métamorphose de Minthé en menthe.

Le poète latin Ovide, au Ier siècle avant notre ère, l’évoque brièvement au Livre X des Métamorphoses. Dans ce passage, Vénus, avant de transformer en anémone son jeune amant Adonis mourant, s’écrie : an tibi quondam/ femineos artus in olentes vertere mentas,/ Persephone, licuit : nobis Cinyreius heros/ invidiae mutatus erit ? Quoi ! Perséphone, tu as pu jadis faire d’un corps de femme la menthe odorante, et moi je serais blâmée si je donne à ce héros, au fils de Cinyras, une forme nouvelle ? (traduction Georges Lafaye, Paris, 1925-30).

Ainsi le récit d’Ovide est-il un mythe étiologique (du grec αιτια  aïtia, la cause), c’est-à-dire un moyen d’expliquer pourquoi le monde ici-bas est si divers et changeant : il est soumis aux interventions des dieux principaux (olympiens), qui transforment à l’occasion les humains ou les divinités secondaires en animaux, plantes, astres — lesquels constituent le monde réel. On se rappelle Daphné, devenue le laurier, pour échapper à Apollon.

Jardin aromatique romain de Valcabrère (France)
Jardin aromatique de Valcabrère (France)

Cependant si le mythe avait de quoi plaire aux Anciens, l’usage même de la menthe était, dans l’Antiquité, à la fois symbolique et scientifique.

Symboliquement, en Grèce et à Rome, elle est utilisée dans les rites funéraires, avec le romarin et le myrte (arbre de Vénus), puisqu’elle est associée au dieu des morts.

Sur le plan scientifique, reprenant des observations faites par Hippocrate et Aristote, le naturaliste latin Pline l’Ancien, au Ier siècle, recense longuement dans son Histoire Naturelle (Livre XX) différentes variétés de menthe ainsi que leur emploi et leurs effets. Il connaît le pouvoir vivifiant de cette plante : Mentae ipsius odor animum excitat, et sapor aviditatem in cibis, ideo embammatum mixturae familiaris. Ipsa acescere, aut coire, denserique lac non patitur. Quare lactis potionibus additur, ne hujus coagulati potu strangulentur. Datur in aqua aut mulso. La menthe a une odeur qui excite l’appétit ; aussi entre-t-elle ordinairement dans les sauces. Elle empêche le lait de s’aigrir ou de se cailler ; aussi l’ajoute-t-on au lait que l’on boit, de peur d’être étouffé par la coagulation de ce liquide. On la donne dans de l’eau ou dans du vin miellé (traduction Émile Littré, Paris, 1877).

Mais Pline rapporte également, et sans examen critique, à côté d’observations fondées, des croyances, voire des superstitions. Il écrit ainsi que la menthe est un contraceptif : resistere generationi creditur, cohibendo genitalia denseri on pense qu’elle s’oppose à la conception en empêchant la coagulation du sperme (ibid.).

Et il la dit également efficace contre : les affections des narines et du poumon, le hoquet, les nausées et vomissements, le choléra, la tension des mamelles, les résidus de fausse-couche, les maux d’oreilles et de tête, les écorchures des fesses dues à l’équitation, les morsures d’homme, les accès de fièvre, l’épilepsie, les vers intestinaux. On peut aussi, selon lui, prendre de la menthe pour lutter contre les puces, les scolopendres, les scorpions marins et les serpents. Bref, c’est une panacée !

Pied de menthe

Dans la pharmacopée antique, la menthe était donc omniprésente : tantôt considérée comme un aphrodisiaque, au point qu’on l’interdisait aux soldats grecs en campagne, tantôt comme un stimulant sexuel et intellectuel, si bien qu’on en tressait des couronnes pour les jeunes mariés et pour les étudiants romains.

De nos jours, son emploi demeure varié et oscille encore entre calmant et excitant : de la sauce à la menthe (spécialité britannique) à la cigarette mentholée, du sirop et des bonbons ou pastilles au dentifrice, de la pharmacie à la cuisine … on la trouve (presque) partout !

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