Pompéi XII

Le film Pompéi du cinéaste britannique Paul Anderson est sorti en France et au Canada ces jours-ci.

Si je me fie à ce qu’écrit Claude Aziza, historien de l’Antiquité fantasmatique, dans le magazine L’Histoire (numéro 396, p. 27), et que j’y ajoute une excellente production vidéo réalisée par la B.B.C. (Pompeii: The Last Day, 2003), le péplum du millésime 2014 serait la douzième version filmique mettant en images le roman d’Edward Bulwer-Lytton intitulé Les derniers jours de Pompéi (1834).

Je ne vais pas ici faire la critique du film.
Mais j’aimerais montrer, avec des tableaux que j’ai vus à Londres (Tate Britain gallery), combien l’éruption du Vésuve le 24 août (certains disent octobre) 79 de notre ère a pu “impressionner” l’imagination de certains peintres. D’ailleurs Bulwer-Lytton se serait lui-même inspiré d’un tableau pour créer le cadre de son roman, qui présente une intrigue sentimentale dans une atmosphère de pratiques magiques et de conflits religieux, sur fond de désastre naturel — une excellente base de scénario pour un film-catastrophe !

Au pied du volcan, Pompéi était une cité marchande florissante jusqu’au tremblement de terre de 62, puis à l’éruption de 79. Depuis 1748, date du début des fouilles, les archéologues ne cessent d’exhumer constructions et artefacts de la ville, ensevelie pendant presque dix-sept siècles sous cinq mètres de cendres (d’après le Dictionnaire de l’Antiquité).

Voici, peinte par Joseph Wright of Derby, une huile sur toile (c. 1776) intitulée Vesuvius in Eruption, with a View over the Islands in the Bay of Naples.

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Cette toile juxtapose montagne et mer, violence et quiétude, couleurs chaudes et froides, verticalité et horizontalité. Peu de personnages, pas de ville. Mais un paysage, avec le Vésuve rouge incandescent, surmonté de nuées noires, et la mer, étrangement calme. Cependant il s’agit d’une représentation imaginaire. En effet, dans ce tableau, le peintre montre la lave engloutissant tout, alors que Pompéi a été recouverte par des lapilli (petits cailloux poreux) et des cendres volcaniques (sinon tout aurait brûlé et rien n’aurait été préservé) succédant à des gaz toxiques.

On peut en croire l’écrivain latin Pline le Jeune, témoin oculaire, âgé de 17 ans au moment de la catastrophe, qui survécut à l’événement et écrivit plus tard à son ami Tacite une lettre (VI, 16-20) où il relate l’éruption, avec des détails précis : “Jam cinis, adhuc tamen rarus. Respicio : densa caligo tergis imminebat, quae nos torrentis modo infusa terrae sequebatur […] et nox, non qualis illunis aut nubila, sed qualis in locis clausis lumine exstincto.” À ce moment, de la cendre, mais encore peu serrée ; je me retourne : une traînée noire et épaisse s’avançait sur nous par derrière, semblable à un torrent qui aurait coulé sur le sol à notre suite […] et voici la nuit, comme on l’a, non point en l’absence de la lune et par temps nuageux, mais bien dans une chambre fermée, toute lumière éteinte (traduction A.M. Guillemin, 1927).

Il me semble donc que l’artiste anglais a surtout voulu réaliser une peinture de paysage (cf. le titre du tableau). Il a créé un contraste spectaculaire en travaillant sur la lumière (la lave enflammée, la pleine lune) et l’obscurité d’une Nature où l’Homme est presque absent.

Cet autre tableau, une huile sur toile de John Martin intitulée The Destruction of Pompeii and Herculaneum (1822, restaurée en 2011), témoigne, au contraire, de l’interaction entre la Nature et l’Homme — idée chère au Romantisme (et qu’on trouve aussi chez William Turner).

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Dans cette oeuvre, les éléments hostiles (mer déchaînée, nuées ardentes, vent violent) renforcent le drame humain. Les Hommes ne sont pas de taille à lutter avec la Nature ; le titre du tableau l’indique. À Pompéi, deux mille habitants auraient péri ; ceux d’Herculanum, dont la ville apparaît ici dans le lointain, furent recouverts de flots de boue (et non pas de lave). On voit, au premier plan, sur le rivage, des scènes de désespoir, avec des soldats (officiers romains) soutenant des femmes et autres victimes éplorées — héroïsme, hélas, inutile.

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Ce fut un rivage meurtrier, grouillant de gens qui attendirent en vain du secours !

Pline le Jeune nous a transmis toutes les péripéties de ce cataclysme.
Mais c’est son oncle, Pline l’Ancien, alors commandant de la flotte à Misène, venu à la rescousse des sinistrés, qui, par curiosité scientifique, s’approcha trop près des émanations toxiques et mourut sur le rivage. Il laisse son nom aux “colonnes pliniennes”, terme scientifique qualifiant une variété d’éruption volcanique.

Profitez bien du film !

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