Drôles d’oiseaux (II): le canard et la chouette

Très différents de l’aigle, voici le canard et la chouette — oiseaux que j’ai vus en Grèce et au Japon.

Mais auparavant, petit retour sur l’étymologie des oiseaux en général : racine des mots “ornithologue, ornithologie, ornithorynque, ornithomancie ou ornithoscopie (divination par les oiseaux)” etc. par la racine grecque ορνις, ορνιθος (ornis, ornithos), et des mots “avion, aviation, aviateur, aviaire (comme la grippe)” etc. par la racine latine avis, les oiseaux figurent abondamment dans le lexique français.

Canard byzantin

Ce canard (ou cane ?), que l’on peut voir actuellement au Musée de la Culture byzantine à Thessalonique, provient d’une mosaïque qui ornait la salle à manger (triclinium) de riches citoyens romanisés, au IIIè siècle de notre ère.

Le canard n’était l’attribut d’aucune divinité de l’Antiquité gréco-romaine. Mais il symbolisait (et symbolise toujours, selon le Dictionnaire des Symboles, coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 160) la fidélité et la félicité conjugale, car il semble que canard et cane forment un couple indéfectible leur vie durant.

Canard et cane japonais

Ainsi, sachant que πηνελοψ, πηνελοπος (pénélops, pénélopos) signifie “canard sauvage” (ou “sarcelle”), et n’en déplaise à Georges Brassens qui s’en moque dans une de ses chansons (Pénélope, 1960), il n’est pas étonnant que ce soit l’origine du nom de Pénélope, l’épouse fidèle qui attendit le retour d’Ulysse pendant vingt ans !

À Mito, au Japon, j’ai vu une pancarte portant le nom : anas penelope, désignant un des beaux canards du Lac Semba (hidorigamo, en japonais).

Canard (hidorigamo)

Des mortels, passons aux dieux ! Voici la chouette, attribut d’Athéna (peinte sur une poterie exposée au Musée archéologique de Thessalonique).

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En tant que déesse, Athéna est le sujet de nombreux mythes. C’était la fille de Zeus et de Métis (= Prudence, Ruse, Intelligence pratique), que le dieu avait avalée, alors qu’elle était enceinte, de peur que leur enfant ne le détrône un jour. Pris d’un fort mal de tête quelque temps après, Zeus demanda à Héphaïstos (dieu forgeron) de le soulager : avec une hache celui-ci fendit le crâne divin, d’où sortit Athéna, adulte, tout armée et poussant son cri de guerre !

Car Athéna, dite Παρθενος (Parthenos, Vierge), déesse éponyme d’Athènes, qui l’honorait particulièrement dans le Parthénon sur l’Acropole et par la cérémonie des Panathénées, était une déesse guerrière et en même temps la protectrice des artisans, notamment les tisserands. Avec une telle hérédité, elle incarnait la Sagesse.

Dans les œuvres d’Homère elle est la protectrice d’Ulysse, dont la principale qualité est justement la μητις (métis, astuce, intelligence pratique) !

Or la Sagesse est clairvoyance et lucidité (de lux, lumière), c’est-à-dire faculté d’y voir clair, même quand tout est sombre, aux sens propre et figuré. Et quel oiseau est capable de voir à travers la nuit ? La chouette !

Chouette de Nemuro (Japon)

Oiseau nocturne s’opposant ainsi à l’aigle solaire de Zeus, la chouette est devenue attribut d’Athéna, qui s’opposait à son père !

La déesse est qualifiée de γλαυκωπις glaukopis, épithète homérique qui semble signifier ‘à visage de chouette’, mais pourrait aussi être interprété comme ‘aux yeux brillants’, explique le Dictionnaire de l’Antiquité  (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 115). D’ailleurs, traducteur de l’Odyssée, le poète contemporain Philippe Jaccottet l’appelle “Athéna dont l’oeil étincelle”.

D’après le Livre des Superstitions (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 437), la chouette symbolisait, chez les anciens Grecs, la sagesse, la vigilance et, grâce à ses yeux noirs transperçant l’obscurité, la clairvoyance. Cet oiseau lunaire, dont le nom grec glaux signifie ‘celle qui resplendit’, était respecté et bénéfique, alors qu’il était considéré chez les Romains comme de mauvais augure.

Chouette de Rausu (Japon)

Tantôt victime de superstitions néfastes (héritage des Romains) et persécutée dans les campagnes en Occident, tantôt protégée car espèce en voie de disparition (notamment en Hokkaidō, au Japon), tantôt enfin auxiliaire de la magie (attribut des devins antiques, et même amie — sous le nom d’Edwige — du jeune sorcier anglais Harry Potter), la chouette est restée emblématique pour les Grecs modernes : de la drachme son effigie est passée à l’euro.

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Drachme et Euro

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