Pourquoi ce court article — qui n’est pas une rétrospective de toute l’année 2021, mais seulement de son dernier trimestre ?
C’est que j’ai été frappée par la récente popularité du grec ancien (langue et culture) dans notre monde contemporain.
En rétrospective, voici quelques échantillons, affichés dans les News que je consulte habituellement sur mon téléphone.
La Covid-19 (souvent désignée sous le nom latin de Coronavirus) a fait sentir son obsédante présence dans le temps et dans l’espace. L’an dernier, nous avions connu des périodes de confinement, et cette année, dans de multiples endroits du monde, la naissance et la propagation de variants.
Afin de ne pas stigmatiser leurs pays d’origine, on a eu recours à l’alphabet grec pour désigner ces variants :
Donc alpha, bêta, gamma, delta — pour ne citer que les plus connus — ont fait leur apparition.
Et, récemment, omicron — que, pour ma part, je prononce “omicronn”, tel que je l’ai appris autrefois !
Selon le Dictionnaire de l’Antiquité, L’alphabet de alpha à tau fut repris d’un alphabet nord-sémitique … ; son introduction en Grèce se reflète peut-être dans un mythe qui dit que Cadmos, fils du roi de Tyr Agénor, rapporta les lettres à Thèbes, ville qu’il avait fondée … D’autres lettres furent ajoutées après upsilon, pour représenter les sons ph et kh. L’alphabet ainsi obtenu, comprenant les 22 premières lettres des 24 citées, fut utilisé par les Athéniens jusqu’à la fin du Vè siècle av. J.-C. … En 403 av. J.-C., Athènes adopta l’alphabet ionien oriental, plus élaboré, qui distinguait entre le o court (o micron) et le o long (ω = o méga), et entre le e court (ε) et le e long (η) … La lettre ψ fut aussi introduite pour le son ps (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 41).
Cet ο μικρον (littéralement “o petit”) étant la quinzième lettre de l’alphabet, on peut supposer qu’entre delta et omicron il y a eu d’autres variants sinon inoffensifs, du moins méconnus du grand public !
Espérons que leur recensement n’ira pas jusqu’à oméga !
Moyen de s’évader hors de ce monde — et occasion de changer de sujet — Facebook™ devient Meta, abréviation de Metavers™ !
Méta (en grec μετα) est une préposition qui possède plusieurs sens ; elle signifie en particulier “après”, dans le lieu ou dans le temps. Par exemple, la “métaphysique” s’interroge sur des notions situées “au-delà de la physique”, et notamment sur les causes de l’univers.
Par Metavers™, contraction de meta (écrit sans accent en anglais) + univers, grâce à un casque d’imagerie virtuelle, nous serons immergés dans un monde parallèle. Et même si cela ressemble encore pour le moment à de la science-fiction, mettons-nous dans la “prospective” et non dans la “rétrospective” ! Nous devrions bientôt devenir capables de voir et d’accomplir à peu près tout (travail, loisirs, achats etc.) en trois dimensions.
Preuve que le projet Meta est ambitieux, c’est le symbole de l’infini (un huit renversé) qui a été choisi pour logo !
Un autre monde avec sa géographie particulière, c’est aussi ce que pensaient les Grecs des Enfers, et que le Metropolitan Opera de New York a recréé sur scène en présentant, début décembre, Eurydice, de Matthew Aucoin, inspiré par la littérature gréco-romaine de l’Antiquité.
Dans ce séjour des morts règnent Hadès et sa femme, Perséphone. L’étymologie d’Hadès est incertaine … Ce nom, en grec, désigne presque toujours le dieu, et non son royaume, auquel l’usage naturel l’a étendu plus tard : on disait que les morts se rendaient “à la maison d’Hadès”. On estimait que son royaume était souterrain, en dépit de la tendance des Grecs à localiser le séjour des morts à l’ouest (Antiquité, p. 465).
Mais bien qu’il soit un dieu redoutable — ce que renforcent son costume et le noir décor de la pièce jouée à New York — Hadès est sensible. Lorsque, le jour de son mariage, la nymphe Eurydice meurt (mordue par un serpent venimeux), son mari, le poète Orphée, éperdu de douleur, va la chercher “à la maison d’Hadès”. Sa lyre et son chant fléchissent le couple souverain des Enfers, et Orphée est autorisé à remonter à la lumière, suivi d’Eurydice, à condition qu’il ne se retourne pas pour la regarder — ce qui arrivera, fatalement.
Finalement, ce sont deux créatures de notre monde, l’une mythique, l’autre préhistorique, qui vont clore cette rétrospective “à la grecque”. Découvertes récentes et surprenantes!
La première créature est le cheval ailé Pégase (en grec Πηγασος, en latin Pegasus), dont le nom est ici associé à l’espionnage international (pourquoi ?), tandis que la seconde est un dinosaure trouvé au Chili et classé comme Stegouros (de στεγω, protéger + ουρα, la queue), à la queue très spéciale, qui fascine les paléontologues.
Bien sûr, cette rétrospective éclectique de fin 2021 n’inventorie pas les nombreux mots latins que j’ai aussi repérés dans les News.
Mais, sait-on jamais, cela pourrait faire l’objet d’un article au cours de 2022 !
Bravo, Catherine! Encore un article fort intéressant, passionnant, comme tu sais les faire. Merci !
Bravo, Catherine, et très sincèrement pour ce décodage astucieux de notre actualité qui nous vient tout droit du Royaume de l’absurde. Ce qui me conforte c’est que l’humanité en a vu d’autres et que nous voici au portail de 2022 de notre ère avec tout un bagage culturel pour nous servir de doudous et de garde-fous. Vive les humanités plurielles!