Nouvelle-Zélande (février 2019)

J’ai passé presque trois semaines en Nouvelle-Zélande pendant l’été austral, en février. Et, de même que j’avais pu glaner d’insolites références à l’Antiquité gréco-latine en voyageant en Australie juste avant, de même j’ai eu le plaisir de faire des découvertes inattendues dans ce magnifique pays qu’est la Nouvelle-Zélande. En le parcourant, j’ai d’ailleurs trouvé, outre des devises en latin, tellement de références latines et grecques que j’ai dû en faire une sélection pour que cet article ne soit pas trop long !

Les premiers habitants de la Nouvelle-Zélande furent les ancêtres polynésiens des actuels Maoris, arrivés vers le XIIIè siècle de notre ère. Ils se sont progressivement installés dans les deux grandes îles qui forment le pays.

Nouvelle-Zélande, New Zealand

Plus tard, les contacts avec des Européens (Hollandais au XVIIè siècle, Français et Anglais au XVIIIè), explorateurs, militaires ou commerçants, ont permis d’instaurer des relations commerciales, mais ont également déclenché des guerres. La signature, en 1840, du Traité de Waitangi entre Maoris et Anglais a fait de la Nouvelle-Zélande un membre de l’Empire britannique, puis du Commonwealth. Ce passé historique explique la présence gréco-latine dans ce pays influencé par des cultures européennes.

N.B. J’ai entouré en jaune les lieux que je mentionne dans cet article.

Île du Nord, NZ

Au Nord-est de l’île du Nord, dans le site de Bay of Islands, près des Waitangi Treaty Grounds (où fut signé le Traité), j’ai vu dans la salle à manger d’un hôtel de Russell un portrait de Victoria, reine de Grande-Bretagne et d’Irlande, et souveraine de la Nouvelle-Zélande (de 1840 à sa mort, en 1901).

Sur ce portrait on lit le nom maori de la Nouvelle-Zélande, Aotearoa (en bas) ainsi que l’inscription en latin Victoria Britanniarum Regina, qui signifie littéralement “Victoria, Reine des Bretagnes”, donc “Reine des îles britanniques.”

C’est aussi dans le site de Bay of Islands que j’ai trouvé, à Paihia, un magasin placé sous le (haut) patronage de Neptune (cf. photo en-tête) — dieu de la Mer pour les Romains, bien approprié dans cet endroit qui compte quelque cent quarante îles !

Ne quittons pas cet endroit pittoresque sans mentionner, à Russell, la Mission Pompallier, du nom d’un prélat français appartenant à la communauté des Maristes, qui est venu au XIXè siècle installer une imprimerie pour fabriquer des bibles, afin d’évangéliser les populations ! Dans le jardin de la propriété un cadran solaire porte deux mots latins : Tempus fugit.

Par ces mots, le poète Virgile fait ce constat fatal : Tempus fugit irreparabile, “Le temps fuit, et il fuit sans retour” (Géorgiques, III, v. 284 ; traduction de Maurice Rat, Paris, 1932). Des mots appropriés à un cadran solaire.

Pays pacifique, la Nouvelle-Zélande a toutefois passé du temps en guerres intestines au XIXè siècle et dans les deux Guerres Mondiales du XXè siècle. Pendant la Première (ou Grande Guerre), alors que ce pays comptait un million d’habitants, 100 000 soldats en sont partis pour combattre sur le front de l’Ouest, et 60 000 ont été blessés, notamment en France. 

À Auckland, la capitale, un monument est dédié aux morts de cette guerre.

Sur chacune des quatre faces du socle de “l’obélisque” est écrit un mot latin pour former une phrase complète : Qui palmam meruit ferat.

Cela signifie : “(Celui) Qui a mérité la palme, qu’il la porte !”

Depuis l’Antiquité, en effet, la palme symbolise la victoire, militaire ou sportive, d’où le mot “palmarès” et l’expression “remporter la palme”. Les inscriptions en anglais sur le monument indiquent bien qu’il s’agit d’une célébration de la Victoire (du camp allié, en 1918).

Dans un tout autre registre, en face d’Auckland, l’île de Waiheke développe une notoriété nouvelle en produisant du vin et de l’huile d’olive. 

Ainsi, dans le domaine Stonyridge Vineyard, ai-je vu ce pressoir italien à l’effigie de Pégase, le mythique cheval ailé grec, et le tout dernier guide international sélectionnant les meilleures huiles d’olive et intitulé, en latin, Flos olei, c’est-à-dire “La Fleur de l’huile.”

Et pour corroborer l’idée que cette huile est bonne pour la santé, le bar de dégustation affiche un précepte du médecin grec Hippocrate de Cos (Vè-IVè siècles avant notre ère) : “Que ta nourriture soit ton médicament et ton médicament ta nourriture !”

Waiheke, Nouvelle-Zélande, New Zealand

Toujours dans l’île du Nord, un peu plus bas qu’Auckland se trouve Napier, presque complètement détruite par un tremblement de terre en 1931. Elle a été entièrement reconstruite dans le style Arts Déco, qui prévalait au moment de sa destruction.

En me promenant dans les rues de Napier pour admirer l’architecture des boutiques et maisons, je suis “tombée” sur ce bâtiment de la Australian Mutual Provident Society.

Napier, Nouvelle-Zélande, New Zealand

Au sommet de cet immeuble se détache un groupe de sculptures à la mode antique. Une inscription en latin porte les mots suivants : Amicus certus in re incerta

Cette phrase (où manque le verbe cernitur) vient du traité Sur l’Amitié de Cicéron, qui, lui-même, l’a empruntée au poète Ennius (De Amicitia, 64). Elle signifie : “Un ami sûr (se reconnaît) dans une situation incertaine.” Et elle sert, depuis longtemps, de slogan promotionnel à une Société d’Assurances !

Enfin, tout au Sud de l’île du Nord, à Wellington, j’ai surtout été frappée par ces œuvres d’art placées sur l’esplanade du Musée Te Papa. 

L’un de ces globes “terrestres” porte une étrange géographie des Enfers de l’Antiquité. Les toponymes proviennent de la mythologie gréco-latine. Ainsi, peut-on lire (écrits parfois de façon fantaisiste) des noms de lieux : Tartarus, le Tartare (séjour infernal des méchants), Elysion, les Champs Élysées (séjour des bienheureux), Mare Cimmerumium, la Mer des Cimmériens (aux confins du monde, près de l’Océan, pays enveloppé de brumes et d’une obscurité perpétuelle, où Ulysse rencontre les ombres des morts, dans le chant XI de l’Odyssée, selon le Dictionnaire de l’Antiquité, coll. Bouquins, p. 221), Charontis lucus, Charontis Trivium, le bois sacré de Charon, le carrefour de Charon (batelier des Enfers). On découvre également des noms de personnages fameux : Jason, le héros qui conquit la Toison d’Or, Polyfemus, le cyclope Polyphème (que le rusé Ulysse trompa et aveugla), Hecatis, Hécate (divinité infernale), Cerberus, Cerbère (le chien à trois têtes, gardien des Enfers), Orcus (dieu des Enfers dont ni les Grecs ni les Romains ne prononçaient le nom … mais il semblerait que le mot français “ogre” en dérive) etc.

À l’opposé du monde infernal souterrain, dans le Jardin Botanique de Wellington, un cadran solaire fait l’éloge du soleil.

L’inscription latine Sol est lux et gloria mundi signifie “Le soleil est la lumière et la gloire du monde.” C’était aussi la devise d’une famille noble en Angleterre au XVIIIè siècle. 

Dans l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande, j’ai visité deux villes : Christchurch et Dunedin.

Île du Sud, Nouvelle-Zélande, New Zealand

À Christchurch, outre la devise de la ville, c’est un vers de Virgile qui a retenu mon attention.

L’inscription Ergo tua rura manebunt est extraite du chant I des Bucoliques, recueil poétique célébrant la nature et la vie rurale. Ce chant I met en scène deux bergers, Tityre et Mélibée. Ce dernier, avec d’autres infortunés compagnons, doit tout abandonner pour quitter sa terre bien-aimée. En effet, certains propriétaires italiens (dont Virgile) ont été spoliés de leurs domaines, qui seront redistribués aux vétérans, comme c’était la coutume pour récompenser les soldats démobilisés, quand ils avaient bien servi. Il s’agit ici des vétérans d’Octave, futur empereur Auguste.

Mélibée s’adresse à Tityre (épargné par la situation) en lui disant : Ergo tua rura manebunt, “Donc tes champs te resteront.”

Dans le contexte antique, Virgile, par la bouche de Mélibée, déplore la discorde, la guerre civile, l’exode rural forcé, et valorise le travail des paysans. D’ailleurs, plus tard, Virgile devenu l’ami d’Auguste, par l’entremise de Mécène, leur (riche) ami commun, retrouvera ses biens, tandis que l’empereur promouvra une politique de retour à la terre.

Dans le contexte moderne de la Nouvelle-Zélande, cette même phrase montre l’importance de l’agriculture et de l’élevage dans l’économie passée, présente et future de la région de Christchurch.

Quant à Dunedin, cette ville fourmille de bâtiments, portant qui un nom grec, qui un nom latin.

Voici, par exemple, des noms grecs :

L’emporium (mot grec passé en latin, puis en anglais) est un entrepôt, un vaste magasin, tandis que le platypus est le nom anglais d’origine grecque (formé de πλατυς platus, large, plat + πους pous, le pied), qui désigne la créature extraordinaire qu’est l’ornithorynque !

Et l’on rencontre aussi des mots latins, comme ce café, intitulé Insomnia, qui vraisemblablement aide les consommateurs à rester éveillés, et ce garage dont l’enseigne porte un fier cheval et l’inscription (un peu effacée par le temps) Invicta (Invaincue).

Enfin, j’ai fait une halte dans un endroit réconfortant, un bar à vins dédié au dieu romain de la Vigne et du Vin, Bacchus !

Mais ne pensez pas pour autant que j’y aie trop bu, et que j’écrive n’importe quoi !

Bien sûr, la Nouvelle-Zélande, cela évoque plutôt les fjords majestueux, les immenses fougères, les oiseaux innombrables (et pas seulement ceux qu’on ne voit pratiquement jamais, comme les kiwis et les ornithorynques), les Maoris, la rugbymania etc

Tout cela existe, et j’espère bien vous avoir donné envie, avec mes lointaines références antiques, d’aller y voir de près !

 

 

 

 

 

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