Chocolat à gogo

En décembre, à l’approche des fêtes occidentales de fin d’année (Noël et Jour de l’An), on consomme beaucoup de chocolat. Qu’il soit noir ou blanc, au lait ou aux noisettes, en tablette ou en bouchée, glacé ou chaud, à croquer, à boire ou à cuire, le chocolat plaît sous toutes ses formes !

Mais d’où vient son nom, et quelle est son histoire ?

Lors d’un voyage en Belgique, j’ai visité le Musée du Chocolat à Bruges — visite gourmande et passionnante, dont je propose ici un aperçu avec quelques photos et infos provenant des salles d’exposition (ouvertes au public depuis le 22 mars 2004).

Sur l’étymologie du nom “chocolat”, il existe plusieurs explications. Né en Amérique Centrale, il proviendrait de l’expression maya “choco-ha, eau chaude”, car les Mayas préparaient cette boisson avec de l’eau chaude. Il pourrait aussi venir d’un mot nahuatl : “cacahuatl” = contraction de “kakawa, cacao” et de “atl, eau”, et serait apparu au XVIIè siècle en français, via l’espagnol. Quant au nom “cacao”, il viendrait du mot olmèque ou maya “ka-ka-wa” — ce qui est phonétiquement proche des mots français “cacao” et anglais “cocoa”, pour désigner cette fève.

Dans le lexique scientifique, la fève de cacao s’est d’abord appelée en latin amygdala pecuniaria — du nom latin issu du grec αμυγδαλη (amygdalê), amande (fruit de l’amandier), et de l’adjectif pecuniarius, “d’argent, pécuniaire”, c’est-à-dire littéralement  “amande qui représente de l’argent, amande qui est une monnaie”.

D’ailleurs, au Mexique, comme c’était une denrée rare, la fève de cacao servait de monnaie.

C’est au XVIIle siècle que le naturaliste suédois Linné lui donna son appellation (encore actuelle) de theobroma cacao — du grec θεος théos, dieu, et βρωμα, brôma, nourriture — c’est-à-dire “le cacao, nourriture des dieux”. Il rendait ainsi  justice au fait que le cacao était, chez les Olmèques et les Mayas, une offrande pour les dieux. Une boisson cacaotée, ou chocolat chaud, faisait partie des fêtes célébrant les grands événements de la vie (naissance, puberté des filles, mariage et funérailles).

La production de chocolat se fait en plusieurs étapes.

Les recettes des Amérindiens restèrent longtemps secrètes, même après l’arrivée des Conquistadores, en 1519. Pourtant, en 1528, Cortez repartit en Espagne avec des fèves de cacao et du matériel pour préparer et offrir à la Cour la “boisson des dieux”, riche en ingrédients et fort coûteuse. En effet, cacao, sucre, cannelle, poivre, clous de girofle, vanille, anis, noisettes, musc, ambre et fleur d’oranger entraient alors dans sa composition !

En 1580 s’ouvrent en Espagne les premiers magasins vendant du chocolat — en l’occurrence, des pharmacies. Les apothicaires y préparent des potions thérapeutiques, le cacao étant mélangé à des ingrédients tels que le poivre, pour soigner le foie, ou l’essence d’ambre, pour le cœur.

En France, le chocolat fait son apparition au début des années 1600.

Ses vertus thérapeutiques consistent surtout à soigner la nostalgie des reines ! En effet, Anne d’Autriche, fille de Philippe III d’Espagne, épouse Louis XIII en 1615, et vient habiter à Paris. Elle est accompagnée d’une molina, servante experte dans la préparation de la boisson. Plus tard, Marie-Thérèse d’Autriche, fille de Philippe IV d’Espagne, épouse Louis XIV en 1660, et met à la mode le chocolat, dont elle raffole, à la Cour de Versailles.

À cette époque, on versait un peu de chocolat chaud de la tasse dans la soucoupe, afin de le refroidir avant de le boire, comme le montre ce pastel de Louis-Marin Bonnel :

Sous-tasse à chocolat.
La “trembleuse” ou sous-tasse à chocolat.

Grande adepte de la mode, la Marquise de Sévigné se montre tantôt favorable, tantôt sceptique à l’égard des vertus curatives du chocolat.

Ainsi écrit-elle à sa fille, madame de Grignan, le 11 février 1671 : “Mais vous ne vous portez point bien, vous n’avez point dormi ? Le chocolat vous remettra. Mais vous n’avez point de chocolatière ; j’y ai pensé mille fois. Comment ferez-vous ?

Au contraire, le 15 avril 1671, elle adjure sa fille de ne plus en boire, sous peine de maladie mortelle : “Tous ceux qui m’en disaient du bien m’en disent du mal… Ne vous engagez pas à le soutenir et songez que ce n’est plus la mode du bel air.”

En 1672, elle se contredit encore (non sans avoir évoqué dans d’autres lettres plusieurs maux censés provenir de cette boisson), et dit à sa fille : “Prenez du chocolat, afin que les plus méchantes compagnies vous paraissent bonnes.”

Au siècle suivant, les philosophes des Lumières partagent le même goût pour le chocolat et le café — denrées chères et exotiques, mais à la mode dans l’aristocratie et la haute bourgeoisie. Voltaire, travailleur infatigable, invente la recette du “café Voltaire”, c’est-à-dire un tonique mélange à parts égales de café et de chocolat, afin de stimuler l’esprit !

Mais si le café se démocratise assez rapidement (avec la naissance des “cafés”, lieux de consommation et de discussions), le chocolat, lui, est encore un produit de luxe et de raffinement au XVIIIè siècle, comme en témoignent les services de porcelaine faits pour en contenir :

Aux XIXè et XXè siècles, l’Europe occidentale (Italie, Suisse, France, Belgique, en particulier) voit se répandre les tablettes et les figurines en chocolat, vite devenues populaires.

De nos jours, le chocolat est une gourmandise quasi universelle, dont les propriétés bienfaisantes sont reconnues. La théobromine (cf. theobroma) extraite de l’enveloppe des fèves de cacao, est bonne pour le cœur. On prête aussi au chocolat des vertus aphrodisiaques !

Une confiserie de Bruges affiche son nom en japonais, pour ses amateurs asiatiques (photo de couverture), tandis qu’à l’événement parisien intitulé Futurapolis, un laboratoire faisait récemment (30 novembre 2015) la démonstration d’une “imprimante 3D à chocolat” (Source : lepoint.fr) :

Mais si on ne peut pas installer cette machine chez soi près de son ordinateur personnel, va-t-on “être chocolat” ?

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