L’ours (Bär) a donné son nom à la capitale de la Confédération helvétique, Berne.
Elle se nommait en latin Brenodurum (dans l’Antiquité).
On l’appelle désormais Berna en latin moderne (selon le Lexicon recentis latinitatis, dictionnaire du Vatican).
Tous ces noms signifient “ours”. Alors, pourquoi ce nom ?
La légende dit que c’est à cause du premier ours abattu par Bertold V de Zähringen, le fondateur de la ville, dont on voit le nom écrit sur la Tour de l’Horloge au centre-ville.
La réalité, c’est que Berne abrite beaucoup d’ours, réels ou artistiques : il est partout présent, l’Ursus Bernensis !
Lorsque j’y ai séjourné, je suis allée, comme tous les touristes, visiter le Bärenpark — dont on voit un des pensionnaires en couverture de cet article. Mais j’ai vu aussi des armoiries et emblèmes divers portant l’image d’un ours.
Peinture ou gravure sur les bâtiments administratifs :
ou logo sur les poubelles et chaises du Jardin des roses (Rosengarten) :
ou encore sculpture dans des compositions architecturales :
En bref, les Bernois aiment ces animaux et les protègent. À juste titre.
En effet, l’ours est connu depuis l’Antiquité.
Pline l’Ancien, au Ier siècle de notre ère, en fait une description mêlant faits avérés et croyances superstitieuses dans son Histoire naturelle, dont voici quelques extraits : Les ours s’accouplent au commencement de l’hiver, non comme font d’ordinaire les quadrupèdes, mais tous deux couchés et s’embrassant. Puis ils se retirent chacun dans une caverne ; la femelle y met bas au bout de trente jours, cinq petits la plupart du temps. Ce sont d’abord des masses de chair blanche, informes, un peu plus grosses que des rats, et sans yeux, sans poil ; les ongles seuls sont proéminents. C’est en léchant cette masse que la mère lui donne peu à peu une forme. Évoquant ensuite leur hibernation, l’écrivain latin affirme : Cet engourdissement les engraisse d’une manière extraordinaire. La graisse qu’ils acquièrent en ce temps entre dans des préparations médicamenteuses, et est utile contre la chute des cheveux. Enfin, de naturaliste Pline devient moraliste en écrivant (mais sans donner d’exemple) : Aucun animal n’a une stupidité plus adroite pour le mal. (Historia Naturalis, VIII, 44 ; traduction d’Émile Littré, Paris, 1848-1850).
À l’époque médiévale, l’Ours rivalise avec le Lion parmi les animaux représentés sur les armoiries nobiliaires.
Dans le magazine L’Histoire de janvier 2009 (p. 74), Michel Pastoureau, auteur de L’Ours. Histoire d’un roi déchu (Le Seuil, 2007), remarque que : Au Moyen Age, en Europe, trois animaux seulement sont pensés comme des “cousins de l’homme” : l’ours, en raison de son aspect extérieur, de son régime alimentaire, de ses mœurs et de son comportement sexuel (longtemps on a cru que l’ours mâle était attiré par les jeunes filles, qu’il enlevait et violait).
C’est non seulement un animal historique, mais aussi symbolique.
Selon le Dictionnaire des Symboles (coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 716), L’Ours est, dans le domaine celtique, l’emblème ou le symbole de la classe guerrière et son nom (celt. commun ‘artos’) se retrouve dans celui du souverain mythique Arthur. On a même en Gaule une déesse Artio (à Berne, dont le nom est toujours celui de l’ours) qui, symboliquement, marque mieux encore le caractère féminin de la classe guerrière. Chez les Celtes, l’ours s’opposait au sanglier, comme le pouvoir temporel à l’autorité spirituelle.
Il n’est donc pas étonnant que ce symbole guerrier ait une telle importance dans la capitale helvétique !
Les Helvètes de l’Antiquité avaient la réputation d’hommes belliqueux — si l’on en croit les Commentaires sur la Guerre des Gaules de Jules César. À l’époque médiévale (XIVè siècle), Guillaume Tell maniant habilement l’arbalète, devient un héros de l’indépendance suisse (histoire semi-légendaire racontée par le poète allemand Schiller). Au Vatican, la garde pontificale existe depuis cinq siècles, formée de Suisses armés de hallebardes.
Et, paradoxalement, à l’époque moderne, la Suisse est devenue le symbole de la neutralité et du pacifisme !
Pour finir, laissons à un (délicieux) ours en pain d’épices le mot de la … faim !