“Tempête de neige”

Habile stratège, Hannibal affronte même une tempête de neige dans les Alpes lors de la Deuxième guerre punique, long conflit entre les Romains et les Carthaginois.

En effet, pendant l’automne-hiver 218 avant notre ère, Hannibal quitte Carthage avec mercenaires et éléphants pour attaquer Rome par surprise. Pour ce faire, il choisit de passer par l’Espagne, les Alpes et le Nord de l’Italie. Cette expédition est racontée par Tite-Live dans son Histoire Romaine (1er siècle avant notre ère).

Même s’il est discutable sur le plan historique (c’est une reconstitution a posteriori), son récit frappe l’imagination.

Le livre XXI décrit la hauteur immense des Alpes : “nivesque caelo prope immixtae” (et les neiges presque mêlées au ciel). Plus loin, Tite-Live montre la panique des bêtes de somme dans leur ascension périlleuse à cause de la glace : “ut pleraque velut pedica capta haererent in dura et alta concreta glacie” (prises comme dans un piège, elles restaient souvent engagées dans cette neige durcie et gelée à une grande profondeur) — traduction de l’édition Garnier (1909).

Souvent inspiré par l’Antiquité gréco-latine, le peintre anglais J.M. William Turner peint le tableau intitulé Snow Storm. Hannibal and his Army Crossing the Alps (Tempête de neige. Hannibal et son armée traversant les Alpes).

C’est une huile sur toile (actuellement à la Tate Britain Gallery, Londres, Royaume-Uni), qu’il expose en 1812, dans le contexte des guerres napoléoniennes entre l’Angleterre et la France — guerres qu’il met en parallèle avec les guerres puniques.

Tempête de neige

Ce tableau reflète le goût du peintre pour les paysages et les lumières d’extérieur, qui sont d’ailleurs le but premier de ses tableaux. Il aime peindre “sur le motif”.

Ici on remarque, se détachant d’une vaste zone d’ombre aux nuances de bleu et de brun, le blanc de la nuée, qui déferle en une énorme vague. Un petit soleil, d’un jaune pâle, perce à peine les nuages. Ces couleurs créent l’effet de froideur et de menace d’une tempête de neige.

William Turner met l’accent sur les forces de la Nature, une Nature hostile. En comparaison, les hommes sont bien faibles. Ici, Hannibal et son armée ne sont que de minuscules silhouettes, plus ou moins distinctes (en bas à droite). Avec de bons yeux on peut quand même distinguer un éléphant !

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Personne ne le regardant, le spectateur reste extérieur à la scène représentée. Mais sa sensibilité et son jugement sont tout de même sollicités bien qu’il voie de loin les pathétiques souffrances des Carthaginois, qui, outre les éléments naturels, ont eu à se battre dans des embuscades tendues par des montagnards gaulois hostiles.

En faisant prendre conscience des épreuves que les Carthaginois ont surmontées, Tite-Live et Turner, par des moyens et pour des buts différents, exaltent le courage (sur)humain.

Ainsi, la neige, sous forme de glace durcie ou de tempête à affronter, se révèle-t-elle un motif d’héroïsme !

Quant à Hannibal, guerrier d’une endurance surhumaine, il est même devenu un des personnages du jeu électronique Rome Total War (2004), qui met en scène (virtuelle) des batailles de l’Antiquité !

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