Votre ordinateur “parle” latin : le saviez-vous ?
Ordinateur/Computer
Pourquoi des mots différents ?
En 1954, la compagnie IBM France, ne voulant pas utiliser le mot “calculateur”, demanda au professeur J. Perret de la faculté des Lettres de Paris de trouver un terme de remplacement. Celui-ci proposa ordinateur, mot du vocabulaire théologique (“Dieu était le grand Ordinateur du Monde”) tombé en désuétude depuis six siècles. Grâce à lui, la France est le seul pays au monde où ne s’emploie pas le mot américain Computer (Pour tout l’or des mots par Claude Gagnière, coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, p. 439).
Leur différence met en évidence le fait que le Français classe, met en ordre (ordo, ordinis = rang, rangée, ordre) alors que l’Anglais calcule, compte (computare = compter). Ce sont en fait des fonctions complémentaires que remplit la machine.
Sans oublier que l’adjectif “calculateur” a une connotation péjorative en français.
À noter : l’orthographe différente de “coordinateur” et de “coordonnateur”, pourtant issus tous deux de la même étymologie : ordo, ordinis.
@
Abréviation des copistes de manuscrits médiévaux ; elle équivaut à la préposition latine ad et indique une direction (vers, à, près de). L’anglais qui la prononce “at” en donne l’équivalent.
Acer
C’est une marque d’ordinateur.
Ce mot peut signifier : érable (acer, aceris). Les acériculteurs du Québec produisent le sirop d’érable. Mais cela ne me semble pas avoir de relation avec la production d’ordinateurs !
Ce terme a aussi un autre sens : pointu (acéré), perçant, passionné (acer, acris, acre). En ce cas, l’ordinateur Acer serait “à la pointe” du progrès !
Alias
Cet adverbe signifie “autrement” et annonce un pseudonyme.
Cheval de Troie/ Trojan horse
C’est une allusion à la ruse bien connue d’Ulysse, le Grec astucieux qui trouva le moyen d’en finir avec les Troyens, après dix ans de siège infructueux, en leur faisant introduire dans leur cité un immense cheval de bois, censé être une offrande aux dieux, mais qui était une véritable “machine infernale”. Il contenait des soldats grecs qui purent ainsi pénétrer chez l’ennemi et en causer la perte (chant VIII de l’Odyssée d’Homère et chant II de l’Énéide de Virgile).
Dans l’informatique actuelle, il s’agit d’un logiciel apparemment inoffensif au sein duquel a été dissimulé un programme malveillant qui peut, par exemple, permettre la collecte frauduleuse, la falsification ou la destruction de données (selon le Journal Officiel du 9 juin 2005, Commission générale de Terminologie).
Delete
C’est la 2ème personne du pluriel de l’impératif présent actif du verbe delere et cela signifie littéralement : “Détruisez !”
Internaute
formé de la préposition inter = parmi, entre et du nom nauta, le marin.
La métaphore de la navigation s’applique depuis 1945 à la cybernétique (en anglais Cybernetics), science constituée par l’ensemble des théories relatives aux communications et à la régulation dans l’être vivant et la machine (selon le Dictionnaire Robert).
Le mot même de “cybernétique” vient de l’expression de Platon, en grec Κυβερνητικη τεχνη (kubernétiké techné), signifiant l’art de piloter, puis la science du gouvernement, c’est-à-dire du gouvernail et du pilotage de navire. Il est abrégé en “cyber” et employé comme préfixe dans des mots comme “cybercafé”, “cyberespace” etc. et comme adjectif, en anglais, dans l’expression “Cyber Monday” — un lundi du mois de novembre fameux pour les achats “en ligne” !
Les expressions comme “Surfer sur le Net”, “Naviguer sur Internet”, “internaute” (ou “marin” de l’Internet) confirment ce champ lexical maritime.
Virus
Ce nom signifie “poison”. Il a un sens négatif, sauf dans l’adjectif “viral” lorsqu’il constate qu’une nouvelle ou une photo s’est répandue rapidement et partout dans les réseaux sociaux. On entend dire : “C’est devenu viral sur Internet !” — expression moderne qui remplace : “Ça s’est répandu comme une traînée de poudre” (la poudre à fusil ou le baril de poudre étant désormais moins d’usage courant que le web) !
En conséquence, grâce à votre ordinateur, vous savez plus de latin (et de grec) que vous ne le pensez !
P.S. Un lecteur expert en informatique m’a signalé qu’il existe aussi Kerberos (= Cerbère, en grec), un “service qui authentifie les utilisateurs à l’accès (entrée ?) d’un domaine, ou, autrement dit, d’un réseau”. La mythologie grecque est ici utilisée de façon amusante, puisque c’est Cerbère, le terrible chien à trois têtes gardien des Enfers, qui empêche les éventuels “Chevaux de Troie” d’entrer dans l’ordinateur.
J’aimerais que l’on utilise plus les locutions latines que les anglicismes.
Bien que je ne renie pas cette langue, je préfèrerais parler d’architectures “in situ” plutôt que “on premise” ou d’une installation “ex nihilo” plutôt que “from scratch”